Dracula contre Frankenstein : un duel absurde et aberrant
Dans une époque désillusionnée comme la nôtre, un sujet aussi saugrenu que celui de Dracula contre Frankenstein ne viendrait à l’esprit de personne, ou alors, ce serait pour le traiter avec moquerie, dédain et mépris. C’était différent dans les années 70…
Menacée par l’ère glaciaire sur Ummo, des extraterrestres sont résolus à faire de la Terre leur nouveau home sweet home. Pour se débarrasser des autochtones, les aliens mettent en place un stratagème sans pareil. Ainsi décident-ils d’instrumentaliser la superstition de leurs ennemis et de faire appel aux monstres infâmes de la culture populaire humaine. Vampires, loup-garou, Golem, monstre de Frankenstein et autre momie se soumettront-ils aux quatre volontés de l’émissaire extraterrestre, le scientifique fou Warnoff (Michael Rennie) épaulé de ses assistants Maleva (Karin Dor), biochimiste décédée dans un accident de voiture, et Kirian (Ángel del Pozo), chirurgien tué au combat ?
Le film de Tulio Demicheli (Hugo Fregonese et/ou Eberhard Meichsner puisqu’ils sont trois à s’être succédé derrière la caméra) est un festival de fraîcheur et de naïveté. Il suffit, pour s’en persuader, de voir nos monstres fantastiques se rebiffer et n’en faire qu’à leur tête, désespérant nos belliqueux envahisseurs et contrecarrant leur plan de conquête du monde. En même temps, quand on n’est même pas fichu de créer un bête soleil artificiel pour réchauffer sa planète, peut-on raisonnablement espérer soumettre à sa volonté les grands monstres de l’Universal pour se débarrasser d’êtres habitants à 14 années lumières ?
Tels des enfants dans un magasin de bonbons, les monstres font tourner en bourrique les aliens les acculant à une défaite cinglante. Une défaite dont le grand vainqueur est l’amour… C’est Paul Naschy qui attire l’attention de la belle Karin Dor. Le célèbre espagnol, également responsable du scénario, livre une prestation à la hauteur de nos attentes. En début de métrage, on peut voir les extraterrestres retirer chirurgicalement les balles d’argent et redonner vie à Waldemar Daninsky. Par conséquent, on peut imaginer que le personnage de Paul Naschy est le même que celui qui meurt à la fin des Vampires du Dr. Dracula (1968).
Réanimée pour servir l’oppresseur, l’allemande Karin Dor apporte la touche glamour au film. Sa présence dans un film comme Dracula contre Frankenstein peut surprendre. En effet, celle qui a été l’égérie du réalisateur Harald Reinl, la reine des Edgar Wallace Krimis et une James Bond Girl poussée dans une piscine infestée de piranhas par Donald Pleasence dans On ne vit que deux fois (1967) a été habituée à des productions plus ambitieuses.
Michael Rennie a également connu de meilleurs moments dans sa carrière, en particulier dans les années 50 lorsqu’il interprétait Klaatu dans Le jour où la terre s’arrêta (1951) de Robert Wise. Quoi qu’il en soit, il livre une prestation glaçante en extraterrestre qui ambitionne, ni plus ni moins, que d’exterminer des milliards d’individus.
La présence des monstres classiques du bestiaire fantastique s’accompagne bien entendu d’une ambiance lugubre et gothique. Un vieux château aux voûtes sombres, des cercueils décorés de cadavres et quelques meurtres occupent le spectateur qui n’a pas vraiment le temps de s’ennuyer. L’important est de ne pas trop prendre au sérieux le spectacle et cette histoire qui aurait pu servir de sujets à trois ou quatre autres longs-métrages.
Alors que Dracula contre Frankenstein s’annonçait comme une analyse de la mécanique de la superstition, le film bascule rapidement dans le grand n’importe quoi. Néanmoins, cette galerie des horreurs où se côtoient de manière surprenante des personnages hétéroclites évoque tendrement le rêve d’un enfant où les grands monstres s’uniraient pour sauver les humains d’un fléau plus terrible encore.
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Bande-annonce VO :