Scare Me – Vous n’avez rien vu
Un loup-garou harcèle une famille. Un grand-père terrorise sa petite-fille depuis sa chaise roulante qui couine. Un troll cannibale se cache dans les coursives d’un immeuble… Dans le fond, Scare Me est une simple anthologie mais dans la forme, le film de Josh Ruben propose un concept particulièrement expérimental, et pas bancal.
Fred est un auteur frustré se débattant pour s’extirper de la masse des losers de sa profession. Il espère trouver l’inspiration lors d’un séjour en chalet. Sa voisine, Fanny, en revanche, vient de connaître le succès critique et public à l’occasion de la sortie de son best-seller, réputé comme étant l’un, voire le meilleur livre d’horreur de tous les temps. Rien que ça ! Alors qu’une tempête de neige s’annonce, une panne de courant pousse Fanny à trouver refuge dans l’antre de Fred. Pour tuer le temps, les deux auteurs se lancent dans une compétition consistant à se raconter des histoires effrayantes. Bientôt, ils sont rejoints par un livreur de pizzas…
Des personnages DÉ-TES-TA-BLES
Le projet commence plutôt mal en s’entêtant à nous proposer des personnages franchement antipathiques. C’est clair dès le départ, lorsque le chauffeur de taxi dépose Fred au chalet. Le bonhomme méprise sa conductrice et pique même les idées de la dame qui voulait juste alimenter la discussion.
Fred n’est pas le seul en cause. Il en est de même pour Fanny, tout aussi imbue d’elle-même…
L’attitude douteuse de nos protagonistes trouve son apogée lorsque tout le monde se met joyeusement à consommer de la drogue. Le laxisme dont font preuve nos « héros » sur ce sujet s’avère franchement surprenant.
Pourtant, contre toute attente, le film parvient à dépasser la condition « tête à claques » de ses protagonistes.
Théâtre d’improvisation
Scare Me démontre tout d’abord son amour pour la narration. L’originalité des sujets n’intéresse probablement pas le réalisateur Josh Ruben. Ce qui compte ici, c’est finalement comment sont racontées les histoires et en particulier la capacité des protagonistes à jouer avec leur élément, c’est-à-dire la cabane, plongée dans le noir et éclairée par le seul feu de la cheminée.
Mais pas seulement, puisque les personnages doivent aussi donner de leur personne pour « habiller » l’histoire qu’ils racontent. Ainsi les bruitages incongrus provenant du fond de la gorge de Fred ou de Fanny génèrent une ambiance menaçante, un vieil accent nous transporte en Roumanie, un rire trop appuyé crée un effet inquiétant…
Parfois, l’histoire est racontée avec tellement de passion que pointent à l’écran des éléments de fiction… Ainsi, de manière saugrenue, une patte griffue de loup-garou apparaît dans l’encadrement d’une porte ! Plus loin, la narration s’emballe et pour immerger le spectateur dans l’histoire, la musique ou les sirènes de police se font alors entendre sur la bande-son du film… Quand soudain, tout s’arrête, le silence dévoile alors nos héros s’amusant comme des enfants. L’effet s’avère touchant et surtout très drôle.
Un film ludique
La qualité et l’originalité du divertissement que propose Scare Me impressionne, en particulier lorsque l’on se dit que tout se déroule dans un simple chalet autour de deux ou trois protagonistes et que, finalement, on ne voit même pas la fameuse tempête de neige.
En somme, l’inventivité du script, la dynamique des dialogues, l’énergie de la mise en scène et l’interprétation combative réussissent à faire tenir tout un film avec bien peu d’ingrédients.
Les responsables de ce miracle sont d’abord Aya Cash et Josh Ruben (également réalisateur) qui nous livrent un sacré numéro de théâtre d’improvisation filmé. Chris Redd, pour sa part, s’illustre par son humour et permet même au film de prendre l’allure d’une comédie musicale peu avant son terme.
Espérons que Scare Me leur servira de tremplin puisqu’ils ont tous les trois principalement œuvré dans l’ombre jusqu’à maintenant.