Le Mystère de la bête humaine – classique et moderne à la fois
Le Mystère de la bête humaine se propose de combiner des éléments classiques de la mythologie du loup-garou avec d’autres, plus modernes, comme les technologies de pointe dans le domaine de la vidéo… Le résultat est un surprenant whodunit…
Tom Newcliffe, millionnaire excentrique et chasseur de renom, invite ses amis sur son île isolée pour un week-end résolument pas comme les autres.
Ce n’est qu’une fois tous réunis que Tom leur annonce la véritable raison de leur visite ! Un loup-garou se cache parmi eux. Or, il compte bien utiliser les trois nuits de pleine lune qui se profilent pour le démasquer et l’abattre. En plus des invités, on décompte le Dr Christopher Lundgren, scientifique spécialisé dans le domaine de la lycanthropie. Pavel, quant à lui, surveille les opérations depuis un bureau externalisé où une multitude d’écrans relayent les images retransmises par les nombreuses caméras dissimulées partout sur la propriété. Le Dix Petits Nègres, cher à Agatha Christie, peut commencer…
10 petits loups-garous
Le film propose au public de jouer les détectives. Ainsi, peu avant son terme, le métrage s’arrête et offre 30 secondes au spectateur pour réfléchir à l’identité du loup-garou. Le stratagème rappelle les innovations de William Castle dans les années 60… Par exemple, le cinéaste fantasque faisait brusquement irruption peu avant le final de son Homicide (1961). Là, sur l’écran, un Castle bienveillant conseillait aux personnes sensibles de quitter la salle si elles craignaient de ne pas avoir les nerfs suffisamment solides pour surmonter le climax qui s’annonçait…
En 1974, Le Mystère de la bête humaine ne bénéficie plus de l’effet de surprise lorsqu’il utilise ce type de subterfuge. Mais surtout, aucun indice permettant de démasquer la créature n’est proposé au spectateur durant les minutes précédentes. Imposé au réalisateur Paul Annett par le producteur Milton Subotsky, le gadget semble donc complètement superflu.
Et même contre-productif, puisque révélateur de l’un des principaux défauts du film… Si dans les romans d’Agatha Christie, l’assassin est toujours celui que l’on soupçonne le moins, au moins est-il possible de suspecter tel ou tel personnage en raison de son comportement litigieux… C’est là toute la saveur de ce type de récit… Or, l’intrigue du Mystère de la bête humaine ne propose rien de cela, puisque les protagonistes ne sont pas suffisamment travaillés pour favoriser, ni même avoir envie, de mettre en évidence leurs petits secrets…
Des participants aux abonnés absents
On passera rapidement sur les personnages féminins inexistants, juste bons à jouer les hystériques…
Les autres protagonistes ne sont pas mieux lotis. Difficile de s’intéresser à des personnalités toutes suspectées d’être plus ou moins psychopathes ou crapuleuses. Les soupçons ne sont, en outre, jamais expliqués ou contredits.
Le maître de service, Tom Newcliffe, joue un personnage haut en couleur, fanatisé par sa traque qui vire inexplicablement à l’obsession. Il se révèle antipathique dès la première scène où il teste son système de surveillance, ce qui lui permet de jouer une blague de mauvais goût à ses invités. Déjà, on suppute un personnage pas très net dans sa tête. La suite ne démentira pas cette première impression puisque le nanti séquestrera ses invités, et causera même leur mort. Cette aberration n’est pas exploitée par le scénario qui ne propose même pas d’imaginer de sombres événements qui expliqueraient son cheval de bataille… Dans ce contexte, difficile de croire à ce personnage dont l’idée fixe va lui coûter sa fortune, sa petite amie et son intégrité.
Tom Newcliffe est Calvin Lockhart
Calvin Lockhart, qui interprète Tom Newcliffe, pourchassera un gibier bien plus dangereux dans le Los Angeles du début des années 90 à l’occasion de Predator 2 (1990). Ici, sa présence démontre l’opportunisme du fondateur de l’Amicus, Milton Subotsky, qui souhaitait surfer sur la vague de la Blaxploitation.
Néanmoins, Calvin Lockhart porte littéralement le film sur ses épaules et symbolise aussi une évidente modernité. Sportif, il assure les scènes d’action et insuffle aussi un brin d’anticonformisme en proposant un héros noir et riche…
Ainsi, Le Mystère de la bête humaine représente la confrontation de la technologie avec le classique loup-garou. Une opposition intéressante qui annonce la fin d’un fantastique naïf et romantique, se heurtant à la dure réalité du monde moderne.
Ce sera pourtant Peter Cushing qui sauvera le film… En 1974, la Hammer avait fait son temps mais l’acteur emblématique de la firme britannique sortait de plusieurs films de bonne facture comme Les Sévices de Dracula (1971), Terreur dans le Shanghaï-Express (1972) ou encore Frankenstein et le monstre de l’enfer (1974). Le Mystère de la bête humaine annonçait cependant une période de vaches maigres avec des films de la trempe de La Secte des morts-vivants (1976) ou encore Le Mystère de l’île des monstres (1981).
Quand Peter Cushing sauve l’entreprise
L’intervention de son personnage, scientifique spécialiste en matière de lycanthropie, reste cependant d’anthologie…
L’ancien chasseur de vampires de la Hammer nous dévoile ce qui se passe concrètement lorsqu’un être humain devient un loup-garou !
C’est ainsi que nous apprenons que les hormones lymphatiques détruisent la structure moléculaire du sang, provoquant le changement irrémédiable du corps de l’infecté… Au bout d’un temps certain, le sang devient de plus en plus instable. Au point que le loup-garou ne peut plus régénérer son sang humain, ainsi que les anticorps nécessaires à combattre le virus. Finalement, la créature décède.
Mais auparavant, le malheureux connaîtra une incroyable transformation physique, dont les premiers symptômes sont les yeux qui deviennent rouges, de terribles démangeaisons et la poussée de poils ! Une fois la transformation accomplie, la créature ne peut pas se soustraire à l’appel de la nature qui lui ordonne de dévorer de la chair humaine.
Cushing précise néanmoins que le loup-garou reste bel et bien une victime.
Cette séquence d’explication est la meilleure du film et pas uniquement parce qu’elle est initiée par Peter Cushing. La scène propose ainsi d’autres révélations, comme le fait qu’il est possible de débusquer un loup-garou en le faisant toucher de l’argent. Mais pour que cela marche, il faut aussi que l’air ambiant soit saturé de pollen de l’aconit, la fameuse plante des loups-garous. À la suite de cette déclaration, les protagonistes vont se livrer à un drôle de ballet en mettant une balle en argent dans la bouche, annonçant la scène clé de La Chose de John Carpenter.
Un budget riquiqui pour Rintintin
Malheureusement, le maigre budget alloué au film par Milton Subotsky, ponte de l’Amicus, ne permet pas des effets spéciaux de la trempe de ceux confectionnés par Rob Bottin. Ni la technologie de l’époque, d’ailleurs, ironiquement…
En 1974, il faudra encore attendre sept années avant d’avoir une maîtrise suffisante des effets spéciaux pour proposer des transformations convaincantes. À l’époque du film de Paul Annett, le public doit se contenter des loups-garous hispaniques de Paul Naschy….
Dès lors, lorsque le loup-garou du Mystère de la bête humaine apparaît pour la première fois à l’écran, la déception est grande. L’animal qui se cache sous les postiches n’est rien d’autre qu’un bon vieux berger allemand des familles…
Transposer le thème du loup-garou dans l’univers du whodunit reste une excellente idée, tirée d’une nouvelle écrite en 1950 par James Blish. Un auteur principalement connu pour ses novélisations des épisodes de la série Star Trek. Le film promettait donc au moins d’être divertissant, d’autant plus que le casting est franchement intéressant avec des noms comme Peter Cushing, Charles Gray ou encore Anton Diffring. Et même feu Michael Gambon, mondialement connu comme étant l’interprète de Dumbledore dans la saga Harry Potter. Malheureusement, le film n’exploite pas ses atouts. À la place, nous avons droit à une intrigue peu intrigante, au cours de laquelle les invités jouent au cricket, tandis que le maître de service fait le tour de sa propriété.