Wolf – loup-garou glamour
Un peu plus de dix ans après le retour en force des loups-garous avec Hurlements (1981) et Le Loup-garou de Londres (1981), il est intéressant de voir ce que Hollywood s’apprête à faire du sujet en produisant Wolf (1994). En effet, les deux décennies n’ont pas grand-chose en commun… Dans les années 80, le fantastique est cantonné aux séries B. Durant les années 90, en revanche, le genre voit la série A lui ouvrir ses portes en grand. Les majors s’emparent du fantastique, générant de grands succès auprès du public ; et il faut bien le reconnaître, dénaturant finalement le fantastique en le transformant en produit de grande consommation.
Au centre du récit, on trouve Will Randall, éditeur sérieux et apprécié dans le milieu du livre. En particulier parce qu’il est honnête.
Il a toute confiance en son bras droit, Stewart Swinton. Faux-jeton, le jeune employé aux dents longues n’hésitera pas, pourtant, à sournoisement pousser Will de côté. Jusqu’à carrément faire exclure son mentor de l’entreprise.
Alors que Will pense avoir fait son temps et se résigne, il vit une étrange expérience. Mordu par un loup, il développe un instinct de survie qui, finalement, l’aide à reprendre du poil de la bête ! Au fur et à mesure que le film avance, il redevient l’homme fort et marquant qu’il était au début de l’histoire…
Ainsi, après avoir récupéré sa place à la droite du patron de la maison d’édition, Will parvient même à susciter l’intérêt de la jolie Laura, ce qui lui permettra de remplacer sa femme infidèle…
Cependant, ces succès inespérés ont-ils été remportés honnêtement ? Tandis que les drames se font de plus en plus fréquents autour de lui, Will décide de sérieusement trouver la réponse à cette question…
Faut-il être un salaud pour réussir ?
Mike Nichols avait-il besoin d’exploiter la thématique du loup-garou pour répondre à cette question ? Non. D’ailleurs, le fantastique ne l’intéresse finalement que très peu. De toute façon, rien ne destinait au fantastique le réalisateur qui a connu son heure de gloire dans les années 60 avec des films comme Qui a peur de Virginia Woolf ? (1966) et Le Lauréat (1967)…
Wolf déçoit, et c’est peu dire, dès lors qu’il s’agit de mettre en scène le fantastique. Comme lorsque nous assistons, au ralenti, aux errances nocturnes de Jack Nicholson, dont le visage est simplement affublé de touffes de poils et autres favoris tout aussi paresseusement collés sur les joues… Des routines qui ont alors 50 ans d’âge… En réalité, Wolf rappelle Les sorcières d’Eastwick de George Miller, déjà avec Jack Nicholson : un film sociologique déguisé en film fantastique.
Aux effets spéciaux, on trouve pourtant nul autre que Rick Baker, le fabuleux créateur des trucages du Loup-garou de Londres… Au vu du résultat, on peut s’interroger sur la raison qui a poussé les producteurs à faire appel à l’artiste responsable des effets spéciaux du film culte de John Landis… En fin de compte, son travail le plus impressionnant s’avère un « simple » maquillage consistant à vieillir l’acteur Om Puri.
Ceci étant dit, Wolf reste plaisant à regarder, ne serait-ce qu’en raison de son casting haut de gamme…
En effet, en 1994, Jack Nicholson, Michelle Pfeiffer et James Spader appartiennent à la crème de la crème des comédiens hollywoodiens.
La première vient de conquérir le public. D’abord au détour des Liaisons dangereuses (1988), puis en Catwoman dans Batman : Le Défi (1992). Ici, la charmante Michelle Pfeiffer incarne un personnage plein de ressources, constamment surprenant… À des années-lumière de la sempiternelle « femme en danger » que l’on rencontre généralement dans le cinéma hollywoodien.
James Spader, pour sa part, est une star en devenir grâce à de judicieux choix de carrière : Sexe, mensonges & vidéo (1989), Stargate : La Porte des étoiles (1994)… Son personnage dans Wolf est détestable. Obsédé par sa carrière, il est hypocrite, menteur, égoïste… mais très sexy.
Jack Nicholson, quant à lui, appartient à une toute autre catégorie, déjà à l’époque… Comme Lon Chaney Jr. avant lui, Jack Nicholson parvient à rendre son personnage touchant. Malgré les violences dont il se rend coupable, son animalité révoltante, cette rage incontrôlable, on s’émeut… Tant d’éléments peu flatteurs qui font du malheureux une connaissance qu’il est préférable d’éviter de fréquenter. Et pourtant, sa condition de victime reste intrinsèquement émouvante. Son désespoir est palpable, tout comme ses interrogations.
À ce titre, son histoire d’amour avec Michelle Pfeiffer est délicieuse. Jamais barbante, la romance agit comme un moteur pour l’intrigue. Au point que l’on peut également considérer Wolf comme une jolie histoire d’amour romantique.
Cerise sur le gâteau, Christopher Plummer (Dreamscape – 1984) fait également partie du casting. Incarnant le rôle du propriétaire de la maison d’édition, il semble tirer les fils. Mais en fin de compte, le patriarche se contente d’assister comme simple spectateur aux petits jeux que se livrent ses employés pour monter dans la hiérarchie de son entreprise. En un sens, il incarne le pragmatisme de la société capitaliste… Les troufions s’entre-tuent pour une place au soleil, pendant que les possédants continuent de s’enrichir… En quelque sorte, voilà un début de réponse à la question que se posait Mike Nichols…
Grâce à ses acteurs hors-normes, et bon an mal an, Mike Nichols parvient à produire un film intéressant. Une histoire de loup-garou presque érotique, puisant dans le charme de chaque protagoniste…