Depuis une éternité, Hollywood a pris l’habitude d’enfiler les remakes comme des perles. De nouveaux termes ont même été spécialement inventés pour noyer le poisson, comme l’inénarrable « reboot »… Dans le cas de Wolfman, en revanche, difficile de reprocher quoi que ce soit aux producteurs californiens. En effet, l’original date tout de même de 1941. Reste à savoir si ces soixante-dix années valaient l’attente…

Ben Talbot disparaît sans laisser de traces. Gwen, sa fiancée, demande à son beau-frère Lawrence, qui fait actuellement fureur sur les planches londoniennes, de revenir au manoir familial afin d’apporter son aide dans les recherches. En arrivant à Blackmoor, Lawrence découvre que le statut de son frère est passé de celui de disparu à celui de cadavre. Le corps s’avère, de surcroît, horriblement mutilé. De leur côté, les villageois propagent d’invraisemblables rumeurs quant au coupable de la mort du descendant des Talbot.

Wolfman (2010) - Un remake s’imposait-il ?

Benicio Del Toro défenseur de la cause des loups-garous

Personne n’oserait critiquer le choix de Benicio Del Toro pour incarner le personnage qui a rendu célèbre Lon Chaney Jr dans la version de 1941. L’acteur, dont les caractéristiques latines étaient suffisantes pour figurer en 1986 dans le clip de Madonna La Isla Bonita, s’est fait connaître avec Usual Suspects (1995) et Traffic (2000). En 2010, son visage triste et torturé évoque parfaitement celui de son prédécesseur. Par ailleurs, sa carrure rappelle même celle d’Oliver Reed dans un autre classique du film du genre : La Nuit du loup-garou (1961).

Au final, Benicio Del Toro ne trahit par le matériau d’origine. L’acteur est d’ailleurs un admirateur du Loup-garou de 1941 et à l’origine du remake. Producteur, il porte le projet et traverse les difficultés, en particulier les nombreux changements de réalisateurs.

Rick Baker répond présent

Wolfman (2010) - Un remake s’imposait-il ?

Heureusement, l’acteur peut compter sur un vétéran de la question des loups-garous au cinéma. Ainsi, Rick Baker accepte de rempiler une fois de plus après Le Loup-garou de Londres (1981) et Wolf (1994). Pour le spécialiste des effets spéciaux, Wolfman représente cependant une nouvelle consécration en lui permettant de remporter un Oscar, 30 années après avoir son premier, justement décerné à la suite des transformations conçues pour le film de John Landis.

Le loup-garou qu’il imagine pour Benicio Del Toro n’a cependant rien à voir avec celui précédemment conçu à l’intention du classique de 1981. Rick Baker propose, ni plus ni moins, qu’une véritable mise à jour du maquillage apposé à l’origine sur le visage de Lon Chaney Jr par Jack Pierce. D’ailleurs, contrairement à la créature du Loup-garou de Londres, et conformément au film de 1941, Lawrence Talbot se déplace sur ses jambes et arbore un faciès qui rappelle plutôt le lion du Magicien d’Oz (1939).

Les transformations, pour leur part, s’avèrent entièrement réalisées à l’aide d’effets spéciaux numériques. Un choix douteux, motivé par des problèmes de délai. D’ailleurs, le résultat est loin d’être transcendant. Trente ans après Hurlements et Le Loup-garou de Londres, nul doute que l’on était en droit d’attendre une métamorphose en loup-garou autrement plus spectaculaire, en particulier pour un film de 150 millions de dollars… En revanche, le scénario introduit les deux séquences de transformation de manière intéressante et originale. La première se déroule dans le décor splendide offert par la crypte familiale… La seconde se déploie devant un attroupement de psychologues et de scientifiques à la noix que le spectateur se réjouit de voir massacrés.

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Hollywood noir

Violent, le film l’est assurément, comme en témoigne la scène de l’attaque, par la bête, du campement gitan. Certes, le film se contente de montrer le résultat des mutilations générées par les coups de patte de la créature, mais les blessures soulèvent littéralement le cœur. Le film aurait pu aller loin encore mais il fallait conserver une classification permettant d’être vu par un maximum de spectateurs… Une prudence superflue car le film se révélera un flamboyant échec financer.

Probable que les spectateurs lambda, habitués aux héros lisses, aient rencontré quelques difficultés à apprécier celui maltraité par les scénaristes sadiques de Wolfman… Le personnage de Benicio Del Toro fait effectivement peine à voir. Non seulement sa mère a été assassinée alors qu’il était enfant, mais son père, interprété par un Anthony Hopkins au moins aussi détestable que lorsqu’il se prend pour un dangereux psychopathe, ne montre aucune sympathie envers son fils. Même les villageois le moquent. Tandis que la police le harcèle, Talbot a même droit à un passage au Lambeth Asylum où il subit divers sévices infligés par un psychiatre des temps anciens. Le pompon est atteint lorsque notre héros se met à tuer des innocents, et avec sauvagerie de surcroît… Quoi qu’il en soit, bravo à Benicio Del Toro d’être parvenu à incarner un personnage aussi maltraité par le destin sans jamais se montrer pathétique.

Dans ces conditions, inutile d’espérer le moindre trait d’humour dans Wolfman qui choisit la noirceur jusqu’au-boutisme…

Le désespoir se traduit à l’écran à travers une photographie superbe, tirant son essence de l’époque victorienne durant laquelle se déroule le film. Les pontes d’Hollywood refusèrent que le film soit tourné en noir et blanc mais, au final, le film n’a rien de coloré. Le manoir choisi pour le film est aussi déprimant que magnifique. Le résultat à l’écran démontre que le numérique, employé à bon escient, peut aussi générer des images poétiques.

Wolfman (2010) - Un remake s’imposait-il ?

Remake pas définitif

Au final, les deux heures de métrage de la version approuvée par le réalisateur passent comme une lettre à la poste, même si l’histoire ne prévoit aucune surprise. Sur ce point, on dénote certaines facilités, comme des aller-retour inutiles entre Londres et le manoir. Surtout, le personnage d’Emily Blunt n’a clairement rien à faire dans l’histoire et semble totalement inutile.

Cela n’empêche pas Wolfman d’être assurément le meilleur film de Joe Johnston, réalisateur spécialisé dans les films à gros budgets insignifiants, comme Rocketeer (1991) ou Jurassic Park III (2001). Parfois, cependant, il fait preuve de talent, comme pour Jumanji (1995)… Ou Wolfman, qui propose une mise à jour intéressante du film originel. Sans en atteindre évidemment la quintessence.


USA
- 2010 - Joe Johnston
Interprètes : Benicio Del Toro, Anthony Hopkins, Emily Blunt, Hugo Weaving, Simon Merrells, Gemma Whelan, Mario Marin-Borquez, Asa Butterfield...








BANDE ANNONCE :

Article signé André Quintaine
Avec L'Écran Méchant Loup, je vous propose de vous plonger
dans la filmographie des films de loups-garous.
D'autres blogs où je suis actif :
ThrillerAllee pour le cinéma de genre allemand.
Sueurs Froides pour les films de genre et d'auteur subversifs.