Le Loup-garou de George Waggner : un film matriciel
On doit au film Le Loup-garou de George Waggner (ainsi qu’au Monstre de Londres de Stuart Walker), beaucoup des particularités dont sont dotés les loups-garous modernes. Par exemple, dans le folklore, les hommes devenaient des loups-garous après avoir conclu un pacte avec le Diable. Par ailleurs, ils étaient mortels. Ainsi, la transmission de la malédiction par une morsure, la balle en argent comme seule arme capable de mettre un terme aux agissements d’un loup-garou, les pentagrammes comme signe distinctif, et même le fait qu’ils se transforment les nuits de pleine lune, sont dues à Hollywood et plus particulièrement à l’imagination de Curt Siodmak.
Larry Talbot (Lon Chaney Jr.) revient au château familial après la mort de son frère et y retrouve son père. Il fait la rencontre de Gwen, dont il tombe amoureux. Larry rend ensuite visite au bohémien Bela (Bela Lugosi), diseur de bonne aventure. Mais ce dernier se transforme en loup-garou et se rue sur la compagne de Larry, Jenny. Larry s’interpose et tue Bela qui a cependant le temps, en le mordant, de lui transmettre la malédiction.
Les démêlés de Curt Siodmak avec Universal
Le scénariste Curt Siodmak (Le Monstre magnétique, coréalisé avec Herbert L. Strock en 1953, Le Retour de Monte-Cristo d’Henry Levin en 1946 ou encore Vaudou de Jacques Tourneur en 1943) s’est inspiré d’un scénario datant de 1931, écrit par Robert Florey (réalisateur de Double Assassinat dans la rue Morgue en 1932 et de La bête aux cinq doigts en 1946, entre autres). À l’époque, le texte original avait été censuré car la transformation de l’homme en loup-garou se déroulait dans un confessionnal, ce qui était considéré comme blasphématoire. Le scénario de Curt Siodmak ne sera pas non plus du goût des studios Universal. En effet, l’histoire imaginée par Siodmak laissait planer un doute sur le drame qui touchait Larry Talbot et il n’était pas certain qu’il soit réellement un loup-garou. Peut-être souffrait-t-il d’un « simple » dédoublement de la personnalité. Or, Universal souhaitait un scénario avec moins de chichi et privilégiant les effets choc.
Heureusement pour le studio, Jack Pierce, qui avait déjà grimé Boris Karloff en Monstre de Frankenstein, fit des miracles avec un superbe maquillage de loup-garou. Quant aux transformations réalisées avec un effet de fondu très réussi, elles s’avèrent particulièrement crédibles pour l’époque et participent pour beaucoup à l’aspect spectaculaire du film. Bien que cette dimension soit une des grandes réussites du film, l’étalage des effets spéciaux a quelque peu éclipsé la subtilité du propos. C’est d’ailleurs en réaction au Loup-garou de George Waggner qu’une année plus tard, Jacques Tourneur et Val Lewton réalisent La Féline, un film qui laisse le spectateur dans le doute, même après le mot FIN.
Un loup-garou fantastique : Lon Chaney Jr.
C’est Lon Chaney Junior qui incarne la bête. Précédemment, on l’avait vu adopter le rôle du sympathique colosse mentalement déficient Lennie dans Des souris et des hommes de Lewis Milestone. L’acteur présente un charisme qui sied à merveille au loup-garou auquel il donne vie. En effet, il peut tout aussi facilement incarner la gentillesse et la naïveté que la force brute.
Tout comme incarner la tragédie d’ailleurs. Et Larry Talbot est bien un personnage tragique : Profondément bon, c’est une force inconnue qui le pousse à commettre des crimes atroces. Crimes qu’il condamne et qui le révulsent, au point qu’il préférerait mourir. Pour accentuer encore la cruauté de son destin, il est abattu par son propre père.
Une mine d’or pour Universal
Au lendemain de Pearl Harbor, la crainte était forte que le public se détourne d’un film d’horreur. Le Loup-garou sera pourtant l’un des plus gros succès de l’année.
Universal continuera d’exploiter son nouveau monstre durant les années 40 en lui faisant partager la vedette avec les monstres qui avaient terrifié les foules durant la précédente décennie. Les rencontres entre Dracula et le Monstre de Frankenstein permirent à Larry Talbot de se retrouver au générique de cinq films entre 1941 et 1948.