Van Helsing (2004) – Pot pas pourri
Stephen Sommers est le réalisateur de La Momie (1999) mais aussi de bien d’autres films tout aussi lamentables. Pourtant, avec Van Helsing, il livre deux heures d’action non-stop fort réjouissantes, dans lesquelles on retrouve avec plaisir les principaux monstres du cinéma fantastique classique, chers au cœur des aficionados.
Uchronie universalienne
À Paris, au 19ᵉ siècle, nous faisons la connaissance de Van Helsing. Immortel, il n’a aucun souvenir de son passé. Après avoir réglé son compte au Dr. Jekyll qui faisait des misères sous la forme de Mister Hyde, Van Helsing rentre au bercail, à Rome. Là, il travaille pour le Vatican qui s’est spécialisé dans la lutte contre vampires, loups-garous et autres créatures du bestiaire folklorique. Sa nouvelle mission emmène Van Helsing en Transylvanie, où il est censé prêter main-forte à la famille Valerious qui depuis des générations lutte pour mettre un terme aux agissements du Comte Dracula.
De leur côté, Dracula et ses trois épouses rêvent d’engendrer une nouvelle race de vampires. Leurs rejetons, évidemment des morts-nés puisque issus de morts-vivants, végètent par milliers dans des cocons verdâtres et suintants, attendant que la science leur donne vie. Un temps, Dracula espère trouver la solution en utilisant la créature de Frankenstein. Mais, celle-ci a disparu dans l’effondrement du moulin où elle vivait grâce à la science de son créateur. En attendant de retrouver le monstre, Dracula mène la vie dure à la famille Valerius.
La parade des monstres en hommage aux films des années 40
De tous les films mettant en scène des loups-garous, Van Helsing est peut-être celui qui présente les plus beaux échantillons. L’une des créatures adopte l’apparence de celle du Loup-garou de Londres ; une autre hérite de la majesté de ceux du Hurlements de Joe Dante. Van Helsing, transformé en lycanthrope, reste néanmoins le spécimen le plus fascinant. À l’apparence particulièrement soignée, d’un pelage noir comme la nuit, à l’aura de danger subtile et arborant des crocs terrifiants, il adopte une impressionnante posture mi-humaine, mi-animale quand il se tient sur ses pattes arrières.
Grâce au numérique, les monstres se déplacent avec vélocité et Stephen Sommers met parfaitement en images la férocité dont sont dotés dans l’imagination collective les lycanthropes.
On pourra néanmoins regretter le recours exclusif aux effets spéciaux digitaux. Animer les loups-garous ou les vampires féminins ailés avec les techniques modernes s’avère un choix pertinent comme le démontre le film. Cependant, l’agonie des créatures ou les transformations en lycanthrope sont trop succinctes et apparaissent plutôt vite expédiées, elles auraient mérité un autre traitement.
Trop de numérique tue l’hommage
Ainsi passés à la moulinette du numérique, les lambeaux de peau que les malheureux déchirent en se métamorphosant pour révéler la bête qui est en eux, manquent singulièrement de chair et de sang. Difficile alors de pleinement ressentir l’horreur des transformations animales, même si elles sont souvent joliment mises en scène. Il en est de même pour le combat final, hystérique, entre Van Helsing transformé en loup-garou et Dracula.
Quoi qu’il en soit, force est de constater que le film met parfaitement en images le mythe et surtout la malédiction qui s’abat sur la malheureuse personne qui souffre de ce fardeau. La transformation en loup-garou est réellement subie par les protagonistes comme une malédiction puisqu’ils sont alors incapables de dominer leur animalité. Pire, une fois qu’il a perdu toute humanité, le loup-garou se retrouve sous l’influence néfaste de Dracula, auquel il se doit désormais d’obéir. Un élément déjà utilisé dans le cinéma fantastique des années 40 et qu’il est agréable de retrouver de nos jours.
Van Helsing est d’ailleurs un vibrant hommage à l’âge d’or du cinéma fantastique : Ces films produits dans les années 40 et dans lesquels se côtoyaient les monstres qui batifolaient seuls sur les écrans la décennie précédente, comme Dracula ou la créature de Frankenstein… Dommage, il manque à l’appel L’Étrange Créature du lac noir par exemple. Ceci dit, beaucoup de belles créatures sont là et s’avèrent représentées avec cohérence, talent et respect.
Les clins d’œil sont nombreux, c’est vrai, mais Van Hesling se sert surtout de la magie que dégageaient les films de l’époque. Ainsi, la première séquence se déroulant dans le château de Frankenstein, puis se poursuivant dans le moulin en flammes, est absolument magnifique. Tournée en noir et blanc, la séquence nous replonge agréablement dans le chef-d’œuvre de James Whale.
Tribut à Lon Chaney Jr., John Carradine, Glenn Strange, Lionet Atwill…
Le film de Stephen Sommers se révèle également truffé de décors superbes. Les paysages réalisés en images numériques ont su conserver toute la majesté et le charme des peintures sur verre d’antan. Jamais Stephen Sommers n’économise un plan large pour les mettre en valeur. Malgré un scénario riche, on prend cependant le temps de s’émerveiller.
Le scénario, respectueux du genre, est un autre élément louable. En dehors de quelques vannes que Van Helsing et son faire-valoir insipide ne peuvent s’empêcher de formuler dès que l’occasion leur en est donnée, l’humour se révèle prodigieusement absent. Van Helsing tente même le Diable avec un Dracula théâtral frisant parfois la parodie. Mais, la plupart du temps, Richard Roxburgh (Fragile, Le Chien des Baskerville en 2002…) créé un Dracula doté de multiples facettes, dont une certaine forme d’empathie…
Dès lors, le comte vampire dégage une aura différente de ce qu’on a l’habitude de rencontrer dans les films mettant en images ce triste sire. Séduisant, il est aussi bavard et finalement très proche d’un être humain. Lorsque, enfin, il s’apprête à devenir le monstre que l’on sait, sa condition est à ce moment-là éclipsée par son animalité. Impossible alors de le juger selon nos critères moraux.
D’ailleurs, la liaison qu’il entretient avec ses trois épouses vampires a tout de celle que l’on retrouve chez les fauves. Et comme tout chef de meute qui se respecte, Dracula hérite également du devoir de protéger ses femelles. Elles le craignent mais jamais on ne voit le maître de la nuit les maltraiter. Ainsi, les trois femmes vampires apparaissent non pas comme des créatures bêtement soumises mais comme dévouées à leur maître. Et si elles sont asservies, c’est parce qu’il est digne d’être leur chef.
Mépris de genre
Van Helsing reste pourtant un film mal-aimé. Les projets d’en faire l’initiateur d’une franchise furent abandonnés à cause de critiques violemment négatives. Sans doute est-ce dû à son statut de superproduction. Peut-être aussi fut-il desservi par un scénario faisant preuve de trop d’imagination en mélangeant tous ces mythes ? Le Dracula de Van Helsing est également très original et peut mécontenter. Le final, brouillon, en fait trop dans la surenchère et peut desservir le film, à raison cette fois.
Néanmoins, de tous les films nantis d’un budget conséquent et d’effets spéciaux numériques en veux-tu, en voilà, Van Helsing est celui qui est le plus respectueux du genre. Et pas seulement parce qu’une partie du film a été tournée dans les décors de Frankenstein (1931), Dracula (1931) et du Loup-garou (1941). L’amour voué au fantastique de la période de l’âge d’or de l’Universal transparaît largement à sa vision. En outre, force est de constater que les loups-garous sont particulièrement soignés. Voilà donc un film à réhabiliter d’urgence.