Hurlements n° 3 de Gary Brandner
Ne cherchez pas de similitudes entre Hurlements n° 3 et les deux précédents romans de la saga. Le personnage de Karen, véritable souffre-douleur des lycanthropes durant deux récits, ne figure même pas dans ce nouvel opus. En revanche, il est possible de trouver de surprenants points communs avec un film comme Ginger Snaps évoquant les difficultés liées à la puberté…
Histoire revisitée
Un adolescent est retrouvé dans la forêt. Les autorités estiment que cet enfant sauvage est le seul rescapé du village de Drago, incendié il y a maintenant un an. Hospitalisé, celui que l’on surnomme Malcom, est confié au Dr Holly Lang qui le prend sous son aile. Malheureusement, le Dr Wayne Pastory, médecin ambitieux et sans scrupules, kidnappe l’enfant loup afin de l’étudier et lui faire subir de cruelles expériences dans sa clinique privée. Dans le même temps, Derak, ancien chef de la communauté de Drago toujours en vie, souhaite ramener Malcom parmi les siens. Holly arrivera-t-elle à tirer Malcom des griffes de Pastory avant que Derak ne lui mette la main dessus ?
L’histoire se déroule après les événements du premier livre, tout en se permettant quelques libertés vis-à-vis de la conclusion du récit original. Ainsi, nous apprenons que ce sont désormais les habitants d’un village voisin qui ont mis le feu et détruit Drago. Cette petite incartade à ce qui s’avérait communément admis permet d’offrir aux maudits lycanthropes un background plus avantageux, les assimilant presque à des victimes. Cette étrange impression n’est pas démentie par la suite. L’auteur n’hésite pas à donner parfois le mauvais rôle aux êtres humains.
D’autres changements importants surprennent… Par exemple, les loups-garous de Hurlements n° 3 n’ont plus l’apparence de loups ordinaires… Ce sont désormais de “vrais” loups-garous comme on a l’habitude d’en voir en 1985 au cinéma. Dès lors, fiers de leur nouvelle capacité à se dresser sur leurs pattes arrières, ils semblent tout droit sortis du Hurlements de Joe Dante. Gary Brandner s’inspirerait-il de l’adaptation cinématographique de son livre… Drôle de retour à l’envoyeur…
Malcom, un loup-garou pas comme les autres
Une partie du livre raconte comment Malcom le sauvageon s’adapte à la civilisation en travaillant dans une fête foraine. Cette partie pourrait avoir servie de source d’inspiration pour Hurlements VI dans lequel le héros trouve également refuge dans une troupe de monstres. Mais, cette partie est surtout intéressante car elle permet de voir évoluer le personnage de Malcom. Là, durant son numéro, notre héros est enfermé dans une cage et se transforme lentement, ce qui l’amène à détruire son cagibi et effrayer les spectateurs. L’élément déclencheur est la contrariété, une émotion que l’on peut facilement provoquer. Ainsi, Malcolm s’avère dorénavant capable de contrôler sa transformation en générant les conditions pour la provoquer, y compris en pleine journée.
C’est une évolution par rapport aux loups-garous traditionnels qui dépendent des pleines lunes pour libérer leur nature destructrice. Cette singularité dont a hérité Malcom peut être vue comme une parabole sur la puberté. On peut la subir, mais Malcolm décide de transformer cet élément en quelque chose de bénéfique, qui lui permettra même de s’émanciper de sa condition de victime maudite et d’orphelin. Et ainsi de trouver sa place.
La puberté est une période que tout le monde connaît bien. En conséquence, cette composante participe à générer de l’affection envers Malcom. Et en effet, très vite, le lecteur développe sympathie et compassion pour ce héros atypique.
Des émotions en veux-tu, en voilà
D’autres personnages suscitent la compassion. Parmi eux, Jones, le géant vivant en reclus dans la forêt et qui accueille le malheureux Malcom. Il s’est révélé touchant, au point qu’on aurait apprécié que l’auteur lui réserve un sort moins sinistre.
Si le livre s’avère riche en émotions fortes, c’est aussi parce qu’il comporte un méchant emblématique dont la menace se fait sentir durant toute la lecture. Le docteur Pastory est effectivement une ordure de premier ordre. Pour exploiter les caractéristiques de Malcom, il n’hésite pas à vilement le soustraire au docteur Lang. Alors que Malcom montrait des avancées et commençait à sortir de sa condition d’enfant sauvage, il se retrouve enfermé dans une clinique privée éloignée de tout. Là, il est confié à une brute épaisse et sadique qui n’hésite pas à lui faire subir quelques supplices. Pastory est sans nul doute un véritable danger pour Malcom et génère, pour le lecteur, un suspens de tous les instants.
Hurlements n° 3 constitue une excellente conclusion à la trilogie initiée par Gary Brandner. Le roman se hisse sans problème au niveau des deux précédents. Plus encore que le second livre, Hurlements n° 3 exploite avec originalité l’idée de départ afin de souffler un vent singulier sur la mythologie. Une caractéristique décidément commune à tous les romans de la saga. Le soin apporté aux personnages toujours séduisants est une autre constante de chacun des ouvrages. Alors que les deux premiers romans proposaient une Karen dépressive, cette fois-ci nous avons un gamin se démenant pour exister et qui doit choisir entre vivre comme un humain ou suivre la voie de la nature. En exploitant les traumatismes psychologiques dans les deux premiers livres, puis les réflexions sur la condition humaine dans le troisième, la saga Hurlements au format bouquin se montre également profondément moderne.
The Howling III: Echoes – USA – 1985