Pleine Lune – lutte inégale pour la tête de meute
Pleine Lune est tiré d’un roman de Wayne Smith, Thor, publié en 1992 et qui n’a malheureusement pas été traduit en français.
Dans le livre, une famille accueille l’oncle Ted, sans se douter de la menace que représente ce nouveau venu. Seul Thor, le berger allemand, soupçonne Ted de dissimuler ses véritables intentions. Flairant là un danger pour les autres membres de la famille, Thor prend alors très à cœur son devoir de protection de sa meute.
Chien domestiqué vs homme-loup
Quelques différences sont perceptibles entre le livre et le film. Par exemple, la famille recueillant Ted n’est plus composée que d’une mère et d’un fils alors que dans le roman elle était complète et avec trois enfants. Ces choix permettent de simplifier le script et par voie de conséquence, de diminuer le budget. En revanche, l’histoire n’est plus racontée du point de vue de Thor, ce qui change naturellement le ton de l’histoire. Quoi qu’il en soit, Pleine Lune reste intéressant et s’avère même une œuvre très originale dans le genre.
D’abord parce que le film signé Eric Red conserve l’essentiel qui faisait la saveur du livre, à savoir la confrontation entre les deux animaux. Ainsi, la nécessité pour Thor de protéger sa famille est prégnante tout au long du métrage. Tout comme son trouble d’ailleurs face à cet humain pas comme les autres. En conséquence, le chien ne parvient pas à déterminer la nature de la menace qui pèse sur eux. Au final, en évitant l’anthropomorphisme tout en prenant bien garde de ne pas attribuer à Thor la capacité de raisonner comme un être humain, Pleine Lune parvient à conserver une certaine crédibilité.
Michael Paré en loup-garou pas comme les autres
Ted est incarné par Michael Paré, acteur très populaire durant les années 80 où il tenait le haut de l’affiche dans des films comme Les Rues de feu (1984) ou Philadelphia Experiment (1984). Il donne corps à un personnage très original dès le premier abord et évoluant durant le métrage. Au début, il apparaît clairement comme la victime d’une terrible malédiction puisqu’il n’a pas seulement perdu sa bien-aimée. En effet, il doit de surcroît se retirer du monde pour prévenir les drames lorsqu’il se transforme.
Ses contradictions apparaissent néanmoins lors de ses affrontements avec Thor. La rivalité qui naît entre Ted et le berger allemand révèle finalement l’animal qui est en lui, et son instinct de survie. Petit à petit, la pulsion s’impose et prend l’avantage sur son humanité. À la fin du film, la créature en vient à raisonner comme une bête, considérant alors sa famille comme une meute à dominer.
Certes, cette évolution ne s’avère pas toujours dessinée de la manière la plus adroite qui soit mais avec un peu d’imagination, on peut facilement combler les trous. En tout état de cause, l’idée avancée dans le film qui présente le fait que la malédiction et les nuits de pleine lune ne sont pas les seuls éléments capables de contaminer le comportement humain de Ted se révèle intéressant et très original.
Un loup-garou fantastique
En termes de maquillage et d’effets spéciaux, Pleine Lune n’hésite pas à verser dans le gore. Par ailleurs, le loup-garou est superbe, imposant et majestueux. Les responsables des trucages livrent une créature dans la lignée de ce qui se fait de mieux dans le genre. La déception est d’autant plus grande lorsque l’on découvre la scène de transformation, réalisée à l’aide d’un vulgaire effet de morphing. Très à la mode dans les années 90, ce moyen pour illustrer un changement de forme fait figure de passe-passe particulièrement bas de gamme aujourd’hui.
Pleine Lune restera malgré tout une sévère déconvenue pour Eric Red, pourtant habitué aux succès. En effet, en tant que scénariste, il est l’auteur de deux films phare des années 80 : Hitcher et Aux frontières de l’aube. Pleine Lune, pour sa part, ne rapporte à son producteur qu’un million de dollars contre sept engagés. L’échec commercial est si cuisant que le métrage ne sort pas au cinéma en Europe. C’est sans doute la raison pour laquelle cette honnête série B demeure si obscure, malgré ses nombreux atouts.
Bad Moon – USA – 1996 ; réalisation : Eric Red ; interprètes : Mariel Hemingway, Michael Paré, Mason Gamble, Ken Pogue, Hrothgar Mathews…