Notre-Dame des Loups d’Adrien Tomas, la traque du dernier des loups-garous
L’histoire se déroule en 1868, dans une Amérique encore toute jeune et nous propose de suivre une petite troupe d’hommes et de femmes qui a renoncé à tout pour embrasser une seule et unique cause. Au lieu de traquer les hors-la loi comme le voudrait la coutume, les « veneurs » disposent de munitions forgées d’argent et parcourent les immensités de l’Ouest sauvage pourchassant les Rejs, des créatures capables de se transformer en un être mi-homme, mi-loup, autrement dit, des loups-garous. Eux qui terrifiaient auparavant les contrées européennes ont désormais élus domicile dans le Nouveau Monde. L’une de ces créatures est la première d’entre elles. La détruire anéantira l’espèce.
Croisement parfait entre le western fantastique et le roman d’aventure, empruntant aux westerns comme aux films d’horreur, Adrien Tomas nous emporte dans un tourbillon de neige, de sang et d’action parfaitement maîtrisé. Le roman, à l’atmosphère furieusement fantastique, nous plonge dans un Ouest sauvage balayé par les blizzards et aux forêts infinies.
Notre-Dame des Loups commence alors qu’on arrive au terme d’une traque qui dure depuis des générations, une dizaine d’années pour les protagonistes, au cœur du roman. Chacun devient un bref instant le héros de l’histoire. Le temps d’un chapitre intégralement raconté à la première personne, le lecteur partage le point de vue de l’un des protagonistes, ses motivations, ses craintes, mais aussi découvre les secrets qu’il dissimule à ses compagnons.
Cette façon de procéder, alternant les points de vue, permet d’approfondir sans lourdeur le sujet mais aussi de rythmer agréablement l’histoire qui change de ton et de style selon les caractères des personnages.
Bien qu’ils ne se manifestent que rarement, les loups-garous exercent sur les personnages de très forts sentiments de haine qui imprègnent intensément chaque page du roman. Les veneurs, tel est le nom que portent les chasseurs de Rejs, les détestent littéralement et éprouvent un tel désir de les exterminer que l’on peut parler de fanatisme. Ils ne trouvent d’ailleurs aucune circonstance atténuante à leurs ennemis et réfutent d’ailleurs l’idée que les lycanthropes seraient victimes de leur condition. Selon eux, les loups-garous profitent et jouissent même de leur état :
« L’infection est une terrible malédiction, elle rend les contas sauvages, imprévisibles, mauvais… Ils n’ont pas le choix, ils ne peuvent que succomber à l’instinct de sauvagerie… Mon cul. L’infection donne seulement aux humains contaminés l’occasion de laisser rejaillir le mal ancien, le goût du sang, de la haine, de la vengeance, qui se tapit au fond de chaque homme depuis la nuit des temps. La forme de monstre lupin, c’est juste un déguisement, une excuse pour expliquer le plaisir qu’ils tirent à étriper des inconnus, sans jamais oser se l’avouer »
L’auteur semble d’ailleurs abonder lorsque l’un des protagonistes est contaminé et qu’il décrit ce qu’il ressent :
« Je me rue sur la porte, et enfonce de l’épaule le panneau de bois couvert de chaînes. L’air glacé s’engouffre dans mes poumons, et le doux reflet de la lune me caresse tendrement la peau. Mes bottes s’enfoncent dans la neige. Je titube, je perds le contrôle de mon corps… Et pourtant, j’ai l’impression de revivre. J’ai besoin de courir, de m’élancer dans la forêt glaciale, de sentir la terre sous mes pas, les arbres autour de moi…
Mon manteau en cuir m’étouffe, et mon stetson me démange. Je m’en débarrasse, et continue à courir à perdre haleine. Derrière moi, j’entends les cris étouffés des autres. Pourquoi ne comprennent-ils pas ? Ce soir, je n’ai rien à craindre des Rejs, rien à craindre de la Dame ! Ce soir, je suis libre !
D’un violent revers, j’arrache la chaînette d’argent qui me brûle cruellement la peau, et pousse un long hurlement de bonheur.
Mes vêtements se déchirent, tandis que mes membres se tordent, sans douleur, seulement pour me donner davantage de puissance, de vitesse, de force… Ma vue devient perçante, j’entends les plus infimes bruits de la forêt, et les mille odeurs du monde m’envahissent. Les hurlements de mes congénères s’élèvent et répondent à mon appel. Je les entends, je les rejoints.
La liberté, enfin. »
Alors que les loups-garous sont généralement des créatures maudites qui subissent leur condition, les Rejs de Notre-Dame des Loups ne souffrent pas de leurs différences. Ils profitent de la puissance que leur confère leur nouvel état et s’en délectent même puisqu’ils sont débarrassés de tout scrupule, de tout remords. C’est l’une des nombreuses originalités du roman de Tomas Adrien.
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