En 1943, l’Universal pense en avoir terminé avec son cycle consacré aux monstres du bestiaire fantastique. La créature de Frankenstein, le comte Dracula, la créature du lagon noir, l’homme invisible, la momie… Chacun s’est vu consacré un, voire plusieurs films, y compris le loup-garou… Lawrence Talbot, libéré de ses tourments à la fin du Loup-garou en 1941, dormait même du plus profond des sommeils grâce à l’aconit dispersé dans son tombeau. C’est alors que les scénaristes en décidèrent autrement et envisagèrent de relancer la franchise en inventant le crossover avec Frankenstein rencontre le loup-garou.

Frankenstein rencontre le loup-garou – reboot et crossover

Le monstre dans la glace

Deux pilleurs de tombes pénètrent dans la crypte de Lawrence Talbot. En effet, ils envisagent de dérober l’anneau d’or avec lequel il a été mis en bière. C’est alors qu’une main surgit de la tombe et saisit le profanateur…

Peu après, le ressuscité est retrouvé inconscient à Cardiff. Hospitalisé pour soigner une blessure à la tête, Lawrence tente de faire comprendre à son médecin et à l’inspecteur de police du danger qu’il représente. Face à leur incrédulité, et pour éviter de commettre à nouveau l’irréparable, le jeune homme n’a pas d’autre solution que de prendre la fuite. Talbot finit par retrouver la trace de Maeva, la vieille bohémienne qui était venue à son secours dans le premier film. Ensemble, ils se rendent à Vasaria où se trouvent les ruines du château au sein duquel le docteur Frankenstein a créé sa triste créature. Avec l’aide de la descendante de Victor Frankenstein, Talbot met la main sur les notes du savant et découvre un moyen de mourir une bonne fois pour toutes. Grâce à la créature de Frankenstein, retrouvée dans un bloc de glace…

Une histoire aussi rocambolesque ne pouvait probablement pas éviter les incohérences. Et, en effet, le scénario ne fait pas l’économie de plusieurs facilités scénaristiques… Par exemple, Lawrence est bien trop vite persuadé par la solution ubuesque contenue dans les notes de Victor Frankenstein… Se connecter à la créature et inverser les pôles négatifs et positifs pour drainer l’énergie du monstre, ce qui permettra de tuer en même temps l’hôte, c’est-à-dire Talbot… Pfff… Il faut vraiment être un perdreau de l’année pour croire à une théorie aussi farfelue…

Il ne faudra pas non plus chercher la petite bête lorsque le personnage de Patrick Knowles passera soudain du statut de responsable respectable d’une clinique à celui de savant fou.

Mais il serait indélicat de chicaner, et stupide. En effet, l’intérêt du film réside ailleurs. Et pas seulement dans la réunion de deux monstres mythiques au sein d’un scénario aux rebondissements démentiels.

Doté de tous les ingrédients d’un film divinement suranné, Frankenstein rencontre le loup-garou possède un charme certain. Ainsi, le film est un perpétuel plaisir pour les yeux et ce, dès les premières minutes avec la profanation de la crypte de Lawrence Talbot dans un cimetière lugubre.

Quelques emprunts au cinéma expressionniste démontrent d’ailleurs l’application du metteur en scène. Comme lorsque les ombres des protagonistes se dessinent sur les murs de la chambre d’hôpital du malheureux Talbot.

Le final, grandiose, voit le château englouti sous les eaux après l’impressionnante explosion du barrage.

Frankenstein rencontre le loup-garou – reboot et crossover

Un générique monstrueux

C’est l’Irlandais Roy William Neill qui met parfaitement en scène cette histoire abracadabrante. Lui qui avait débuté sa carrière durant la période du muet avec des films perdus pour la plupart, finira néanmoins de se faire un nom grâce à son cycle des aventures de Sherlock Holmes mettant en scène Basil Rathbone. Ici, le réalisateur de The Scarlet Claw (1944) est à la tête d’un casting exceptionnel. En premier lieu, on trouve lieu Bela Lugosi remplaçant, au pied levé, Boris Karloff dans le rôle de la créature de Frankenstein.

L’acteur reste à jamais dans les mémoires pour son interprétation du Dracula signée Tod Browling en 1931. Par la suite, malheureusement, il se contentera de participer à d’innombrables séries B au sein des fameux studios indépendants surnommés Poverty Row. Sa présence, ici, est presque risible… En fait, elle l’est…

À l’origine, Bela Lugosi avait décliné l’offre de jouer la créature de Frankenstein pour James Whale, au prétexte qu’elle était muette. Dix années plus tard, endetté, il accepte le rôle et participe donc au film de Roy William Neill. L’acteur, au fort accent hongrois, bénéficie bien de plusieurs lignes de dialogues. Mais, lors des projections tests, le public ne cesse de s’esclaffer à chaque fois que le monstre s’exprime. Pour sauver la face, les distributeurs prennent une décision drastique. Ils effacent la voix de l’acteur sur la bande son, rendant la créature complètement muette, elle qui était déjà aveugle… Décidément, le destin aura joué un sale tour à Bela Lugosi…

Dans des seconds rôles on retrouve d’autres noms connus, en particulier dans le milieu du fantastique… Comme Lionel Atwill qui s’est illustré grâce à son personnage de savant fou dans Docteur X (1932). Également présent dans Le Fils de Frankenstein, il incarnait alors l’incroyable inspecteur Krogh. Le personnage infirme, haut en couleur avec son bras raide, sera délicieusement parodié par Mel Brooks dans son excellent Frankenstein junior (1974).

Dans un tout petit rôle, on découvre aussi Dwight Frye. L’acteur était présent dans les deux films qui ont initié les classiques de l’Universal. D’abord en Renfield dans Dracula (1931) puis en Fritz, l’assistant de Frankenstein, dans le film éponyme. Lui aussi bénéficiera d’un hommage posthume. Cette fois-ci orchestré par ce diable d’Alice Cooper à travers sa chanson Ballad Of Dwight Fry.

Frankenstein rencontre le loup-garou – reboot et crossover

Quand Lon Chaney Jr marche sur les traces de son père

Si le film réunit deux monstres sacrés du fantastique, le héros est bien le loup-garou, à nouveau interprété par Lon Chaney Jr.

Le fils de Lon Chaney Senior, qui sévissait durant le muet et dont personne n’a pu oublier le personnage du Fantôme de l’Opéra, reprend ici son rôle de Lawrence Talbot, initié dans Le Loup-garou (1941).

Durant tout le film, Talbot tente de trouver un moyen pour mourir. Autrement dit, le malheureux se montre désespéré au point de vouloir se suicider. Cette obstination est quelque peu tirée par les cheveux. Elle s’appuie un peu trop sur le misérabilisme de la condition du personnage. Néanmoins, elle confère à notre héros un aspect tragique et touchant, à tel point que le public en redemandera…

En effet, les indéniables qualités du film de Roy William Neill vont donner un second souffle à la franchise. Et même sauver de la faillite l’Universal. Celle-ci reconnaissante, lance dans la foulée la production de trois suites qui mettront Lon Chaney Jr. à l’honneur. Au final, la saga permettra à l’acteur de bénéficier lui aussi du statut d’acteur culte, à l’instar de son père.


USA
- 1943 - Roy William Neill
Titres alternatifs : Frankenstein Meets the Wolf Man
Interprètes : Lon Chaney Jr., Ilona Massey, Patric Knowles, Lionel Atwill, Bela Lugosi, Maria Ouspenskaya, Dennis Hoey, Don Barclay, Rex Evans, Dwight Frye…

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BANDE ANNONCE :

Article signé André Quintaine
Avec L'Écran Méchant Loup, je vous propose de vous plonger
dans la filmographie des films de loups-garous.
D'autres blogs où je suis actif :
ThrillerAllee pour le cinéma de genre allemand.
Sueurs Froides pour les films de genre et d'auteur subversifs.