Freaks of Nature – I Wanna Rock ‘N’ Roll

Morts-vivants, loups-garous, vampires et humains doivent s’unir pour faire face à la menace d’une invasion extra-terrestre. Pas de doute, Freaks of Nature dispose d’un sujet accrocheur, pourtant imaginé par Oren Uziel, auteur des peu engageants The Cloverfield Paradox (2018) et 22 Jump Street (2014). L’énoncé de ces titres refroidit les ardeurs mais, à la vue du résultat, on peut soupçonner Robbie Pickering d’avoir grandement élagué et bonifié le script original.
Par le passé, Robbie Pickering a démontré sa capacité à s’emparer de sujets sérieux et touchants. Ainsi, en 2011, le metteur en scène signe Natural Selection, drame dans lequel une femme tente de retrouver l’enfant illégitime de son mari avant que ce dernier ne succombe à la maladie qui le ronge. Un sujet touchant qui explique peut-être, du moins en partie, la profondeur d’un Freaks of Nature qui, au-delà de son sujet branquignol, livre un discours intéressant sur la thématique du vivre ensemble…


Dans la petite ville de Dillford, renommée pour ses côtelettes, règne une hiérarchie transparente… Tout en haut de l’échelle sociale les vampires font la loi. Les êtres humains composent la classe moyenne. En bas de l’échelle, les zombies se démènent pour s’en sortir du mieux qu’ils peuvent. Ce cadre idyllique se voit bousculé lorsqu’un vaisseau spatial atterrit dans la proche banlieue. Ébranlées, les différentes communautés qui composent la structure de la ville doivent inévitablement se réunir pour se débarrasser des aliens. Y compris au lycée, modèle en miniature de l’organisation qui structure Dillford et des tensions qui l’animent.
La première demi-heure de Freaks of Nature est une bien belle réussite, présentant, façon Breakfast Club (1985), les différents intervenants du film dans leur milieu naturel : le lycée. Dès lors, Freaks of Nature se présente comme un film de jeunes animés par les habituelles problématiques de l’adolescence, mais présentées de manière à ne pas exclure le public non ciblé.
Parmi les protagonistes, on trouve… Un gamin menant une vie confortable mais faisant preuve d’ingratitude… Le meilleur élève de la classe qui pique sa crise lorsqu’une mauvaise note hypothèque son avenir à la fac… L’adolescent le plus ordinaire du lycée amoureux de la fille la plus sexy d’entre toutes… La romantique qui en pince pour le bellâtre de la classe qui n’est pourtant rien d’autre qu’un goujat… Les adultes font également partie du bataillon, comme les parents sévères gérant mal les conflits fraternels. Les bath, quant à eux, fument des joints. Les profs ne sont pas oubliés… Désillusionnés, aigris, ils se vengent en abusant de leur autorité et en donnant de mauvaises notes… En somme, la vie n’est facile pour personne.


Une fois le cadre établi, les événements vont se bousculer et chambouler, avec malice, la vie de tout ce petit monde. Ainsi, l’élève talentueux devient un zombie décérébré, le beau mec se révèle un salaud de vampire égoïste, incapable de retenir ses pulsions, etc. Toutefois, l’intérêt dépasse largement ces revirements de situation. Subtilement, le film propose une peinture tumultueuse du monde de l’adolescence dont les acteurs doivent se construire seuls au sein d’une société où cohabitent également différents niveaux, chacun avec ses propres contraintes. Des règles que les jeunes doivent apprendre à maîtriser pour finalement former, plus tard, avec les adultes, un ensemble cohérent et surtout une communauté paisible.
Tout en proposant un divertissement agréable, Freaks of Nature donne une belle leçon d’unité avec sa population bigarrée composée de zombies, vampires, humains et même de loups-garous lors d’une courte séquence symbolisant le passage de l’adolescence à l’âge adulte. Tout ce beau monde va se rencontrer, mettre ses frustrations de côté et apprendre à faire avec les différences de chacun. Si bien qu’au bout du voyage, ils vont parvenir à déjouer l’intolérance, l’autoritarisme et la violence qu’incarnent les extra-terrestres. Est-il nécessaire de préciser que ce discours d’unité renvoie à une certaine image du rêve américain dont les fissures de plus en plus visibles tendent à se creuser et même à prendre l’allure de profondes crevasses ?


En attendant, Freaks of Nature reste un feel good movie. Les événements dramatiques qui rythment le scénario génèrent effectivement plus une action soutenue qu’une ambiance franchement inquiétante. Les couleurs vives et la petite ville paisible composée de pavillons nichés dans des lotissements aux bosquets bien entretenus évoquent même agréablement les années 80 et son cinéma pop corn. L’humour, à base de jeux de mots ou de références en direction des fans de cinéma fantastique, entérine cette impression générale. Teinté de rock’n’roll entraînant, de gore amusant et d’effets spéciaux généreux et spectaculaires, Freaks of Naturel fonce, en outre, à toute à allure.
Si les crossover mélangeant les genres et les monstres ne sont plus aussi rares au cinéma, la déception qu’ils engendrent est tout aussi fréquente. Les crossovers se contentent trop souvent de jouer sur l’improbable profusion de créatures fantastiques pour générer la surprise. Pour sa part, Freaks of Nature fait l’impasse sur les grandes révélations, préférant s’intéresser aux problèmes qui lient les protagonistes entre eux, rendant par la même occasion, et ironiquement, les personnages profondément humains.
Freaks of Nature convainc sur tous les points. Cependant, non content de livrer une leçon habile et sincère sur le vivre ensemble, le film de Robbie Pickering séduit aussi grâce à une ambiance agréable, une réalisation soignée et dynamique avec même quelques moments de suspens. Une réussite totale pour un divertissement intelligent.
Informations complémentaires :
Héroïne de Freaks of Nature, Mackenzie Davis ne devrait pas être une inconnue pour vous. En effet, elle figure dans le quatrième épisode de la troisième saison de Black Mirror… Dans San Junipero, Mackenzie Davis joue le rôle d’une jeune fille qui ne peut s’échapper d’une ville en bord de mer irrémédiablement ancrée dans l’année 1987. Au sein d’une série faisant un peu trop souvent appel aux idées tape-à-l’oeil pour attirer le chaland, l’épisode détonne et s’avère l’un des plus beaux et des plus touchants, délivrant un très beau message sur l’essence de l’amour. La réussite en revient en grande partie à Mackenzie Davis, aussitôt touchante dans le rôle d’une fille timide et coincée qui découvre un amour qui va dépasser les limites de l’espace et du temps.
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