Eight for Silver – Dépression assurée

Tourné dans une France méconnaissable tellement l’image semble avoir été filtrée, Eight for Silver propose une trame en lien direct avec le mystère de la bête du Gévaudan. Le film se propose même de révéler les origines de la créature qui s’est tristement illustrée entre le 30 juin 1764 et le 19 juin 1767…
En 1880, dans la campagne française, le propriétaire terrien Seamus Laurent ordonne le massacre des membres d’un clan rom. Avant de périr, la vieille tzigane parvient à jeter une malédiction sur ses bourreaux. Peu de temps après le drame, le rejeton de Seamus disparaît alors qu’un assassin massacrant les habitants du village rôde dans les bois. Appelé en renfort, le pathologiste John McBride mène l’enquête.

C’est d’abord sur le plan esthétique que Eight for Silver marque les esprits. Son image délavée, parfois grise, parfois sépia, semble vouloir trouver un juste équilibre entre le noir et blanc créé par Joseph A. Valentine pour Le Loup-garou (1941) et celui de Shelly Johnson pour le remake Wolfman de 2010. Souvent, pour ne pas dire tout le temps, le film livre au spectateur des images d’une grande beauté, formellement envoûtantes, assurant au métrage une atmosphère franchement angoissante. La brume, le dépouillement de l’hiver, les grandes demeures sinistres, les chapelles isolées dans la campagne… Au-delà de l’élégance du tableau, l’image évoque surtout les prémisses de l’horreur qui allait secouer l’Europe dans la première partie du 20e siècle.
Si la sorcière gitane du film de Sean Ellis rappelle celle qui promulguait ses conseils en direction de Lon Chaney Jr dans le film de George Waggner, il s’agit plutôt ici d’évoquer un drame oublié des livres d’histoire. Dépossédé de ses terres, le peuple tzigane a également subi un génocide de 500 000 personnes perpétré de la main des nazis lors de la Seconde Guerre mondiale. Eight for Silver profite du sujet de la culpabilité pour rappeler que les crimes nazis se sont nourris de mépris et de déconsidération qui ne datent pas d’hier.

Photographe de mode et réalisateur de clips musicaux, Sean Ellis a déjà été nominé aux Oscars en 2004 pour Cashback, court-métrage dont il signe l’adaptation en long deux années plus tard. Eight for Silver, pour sa part, fera moins l’unanimité. En effet, à force d’appuyer sur la désolation des paysages et des personnages qui portent le fardeau de la culpabilité sur leurs épaules, le film peine finalement à impliquer le spectateur.
Boyd Holbrook mène l’enquête mais n’a pas le charisme de Samuel Le Bihan. Quant à Kelly Reilly, que l’on retrouve pourtant avec plaisir après qu’elle a relancé la vague des slashers avec Eden Lake en 2008, elle est loin d’être aussi touchante que Émilie Dequenne. Les personnages portent trop vertement le poids de leur résignation et de leur fatalisme ou servitude pour que l’on s’implique à leurs côtés. À la place, ils génèrent plutôt de l’agacement et l’on a envie de secouer ces personnages torturés comme on le ferait pour un mirabellier au moment de la récolte.

Un constat déstabilisant et surtout ennuyeux, tant les événements qui se déroulent dans le film coulent sur le spectateur sans parvenir à générer de l’empathie, même lorsque les gens du voyage se font exterminer. Un comble ! La séquence servie de manière trop rapide, sans effort pour créer une quelconque tension préalable, témoigne d’un film trop impersonnel. Enfin, les quelques jump scare qui parsèment le métrage finissent de démolir une tension et illustrent un déroulé plat, mais également prévisible.
Dans cet océan quelque peu fade, le film brille alors par à-coups. Outre la beauté intrinsèque de l’ensemble, on évoquera alors les effets gore, spectaculaires, ne faisant pas de chichis, eux. Les origines du loup-garou permettent un détour plaisant du côté de The Thing (1982) de John Carpenter, livrant alors des effets spéciaux que n’auraient pas reniés Rob Bottin.

Malheureusement, à l’écran, le lycanthrope finalisé ressemble plus à une créature échappée des grottes de The Descent (2005) qu’à un véritable loup-garou des familles. Au point que l’on a presque l’impression de se trouver face à un classique film de monstres. Au demeurant, le réalisateur s’éloigne rapidement de la thématique de la créature qui habite en nous. D’ailleurs, les victimes de la malédiction sont mortes, leurs dépouilles simplement possédées par une créature maléfique.
D’une durée proche des deux heures de métrage, Eight for Silver apporte une touche originale au mythe et démontre des ambitions louables, mais joue un peu trop avec la patience du spectateur.
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Avec L'Écran Méchant Loup, je vous propose de vous plonger
dans la filmographie des films de loups-garous.
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