Wolf Guy – pour les femmes en manque d’animal
Wolf Guy propose une histoire confuse, qui part dans tous les sens et qui pourra sembler brouillonne au commun des mortels. Et ce n’est pas dû au manga d’origine. En effet, en l’absence d’un scénario bien ficelé, le réalisateur Kazuhiko Yamaguchi tournait au jour le jour, sans franchement savoir ce qu’il filmait. Dès lors, il n’est pas surprenant que les protagonistes gravitant autour du héros incarné par Sonny Chiba soient brossés de manière aussi superficielle. Autant d’éléments qui, finalement, ne désavantagent pas le film qui sait utiliser ces handicaps et prendre l’apparence d’un cocktail explosif…
Akira Inugami est le dernier représentant de sa race, composée de créatures hybrides entre homme et loup. Après que sa famille a été exterminée par des êtres humains, Inugami abandonne son village isolé dans la montagne pour trouver refuge dans la civilisation. Plusieurs années se sont écoulées et Inugami gagne désormais sa vie comme détective privé. C’est à ce titre qu’il se retrouve embarqué dans une étrange histoire de meurtres. Plusieurs hommes sont découverts déchiquetés, comme s’ils étaient passés entre les griffes d’un tigre…
En remontant la piste, le détective privé découvre que les victimes faisaient toutes partie d’un groupe de rock surnommé The Mobs. Le producteur s’avère même une petite ordure entretenant des relations obscures avec des yakuzas. Il est également le manager de la chanteuse de cabaret Miki, dont il a commandité le viol, perpétré par les quatre membres de The Mobs…
Dès lors, la jeune femme est une épave, toxicomane et sévèrement atteinte de syphilis. Se pourrait-il que le tigre qui s’en prend aux musiciens soit en réalité l’incarnation de la vengeance de Miki ? Quoi qu’il en soit, cette éventualité intéresse beaucoup une société secrète qui garde Miki captive afin de percer son secret.
Bloody mary
Wolf Guy est un cocktail explosif de yakuzas, de filles aux moeurs faciles, de blousons noirs, de sexploitation, de giclées de sang dignes d’un chambara sanglant, de politiciens véreux, de science-fiction délirante, de malédiction funeste, de gangsters impitoyables et de super-héros ténébreux aux pouvoirs rythmés par les cycles de la lune.
En tête de gondole, on trouve surtout un nombre appréciable de séquences exposant les jolies poitrines de frivoles Japonaises se trémoussant sur une musique groovy typique des années 70.
La brutalité de certaines séquences donne aussi le ton de l’oeuvre. Mais c’est surtout le gore qui prédomine, avec des effusions de sang à chaque coup de patte. Les victimes se vident alors intégralement et inévitablement de leur sang. Au point que l’on peut se demander s’il ne coulerait pas plus que 5 litres de sang dans les veines de nos amis japonais.
Plus tard dans le métrage, le scénario part dans des délires typiques d’une science-fiction naïve d’un autre temps. Là, le script imagine une tentative de lavage de cerveau censé permettre à de dangereux criminels, menés par l’équivalent du Dr Mabuse au Pays du soleil levant, de s’emparer du pouvoir.
Et au centre de ce divertissement psychédélique, on trouve Sonny Chiba dans ses œuvres. L’homme le plus cool de l’univers fait régner sa loi en distribuant des mandales dans les ruelles sombres, lorsqu’il ne comble pas les filles dans son lit.
Macho man
Sonny Chiba, est plus qu’un homme, c’est une bête. Au sens propre, comme au figuré.
Servez-lui un steak sanglant avec des frites, et vous le verrez écarter les patates hors de l’assiette pour ne conserver que le bout de barbaque.
En revanche, pas question de sauter le dessert, en particulier s’il s’agit d’une jeune femme, même contaminée par la syphilis.
La malheureuse se voit incarnée par Yuriko Azuma qui a fait sa carrière en participant à d’innombrables pinku eiga. Elle est ici touchante et marque les esprits. Parce qu’elle s’est amourachée du mauvais homme, la pauvre doit être punie en se voyant infectée par une MST. Pour l’infortunée, les affres du plaisir sont derrière elle. Et la voilà qui erre désormais comme une âme en peine.
Heureusement, sa rencontre avec Sonny Chiba va tout changer. Car, la cigarette au coin des lèvres, ce véritable gentleman ne refuse jamais de satisfaire les attentes d’une jeune demoiselle, même atteinte d’une maladie infectieuse.
Plus sérieusement, Sonny Chiba est un monument au Pays du soleil levant. L’acteur a fabriqué sa légende à partir de plusieurs films de karaté dès les années soixante. Puis, ses compétences dramatiques lui ont valu de nombreuses apparitions dans des films et des séries produits par la non moins célèbre société de production Toei. Dans le sillage de Bruce Lee, Chiba se fera finalement un nom au niveau international avec la trilogie Street Fighter.
Enfin, Quentin Tarantino achèvera l’opération de popularisation de la star japonaise en lui offrant le rôle d’épéiste dans Kill Bill volumes 1 et 2.
La bête humaine
En fin de compte, Sonny Chiba est la personnification de l’homme sauvage, de la bête qui sommeille en nous. Il est fort. Et comme il est fort il peut être droit et intransigeant. Ainsi, il ne fait jamais preuve de faiblesse, contrairement à la majorité des hommes qui laissent trop souvent s’exprimer leurs désirs sans être capables de les refréner. Autrement dit, il n’est jamais irrespectueux ou violent : une bête humaine pour le plus grand plaisir de ces dames…
Quel rapport avec les loups-garous ?
Kazuhiko Yamaguchi, le réalisateur n’avait lui-même aucune idée de ce qu’était un loup-garou, ce qui démontre à quel point la créature semble peu répandue au Japon. Wolf Guy, héros incarné par Sonny Chiba, est le dernier descendant d’un village dont les membres, paisibles et gentils, ont pourtant été exterminés de manière barbare par les êtres humains. Wolf Guy reste néanmoins doté d’une force surhumaine et, le quinzième jour du cycle lunaire, à la pleine lune, il devient même invincible et immortel.
Le film se positionne comme une suite plus ou moins officielle de Horror of the Wolf (1973). Le métrage partage peu de points communs avec son successeur, si ce n’est de se baser sur une série de mangas, à l’instar de Baby Cart ou de Lady Snowblood.
C’est une tradition dans les années 70, qui confère à Wolf Guy un aspect pulp lui seyant à merveille. Quoi qu’il en soit, cet angle original permet de revisiter la thématique du loup-garou en apportant un sang neuf évident. D’autant plus au début des années 70, période durant laquelle la créature mythique paraissait passablement archaïque.
Avec son montage rythmé, l’énergie dévastatrice de Sonny Chiba, l’enquête reléguée aux oubliettes pour faire la part belle à l’action, Wolf Guy est un film assurément brutal et bizarre.