The Creeps – sincèrement idiot
Parodie des classiques du cinéma fantastique de l’Universal, The Creeps propose un crossover dans lequel figure la plupart des monstres du bestiaire fantastique. Mais mijotés à la sauce Charles Band et Full Moon.
Anna Quarrels travaille au sein d’une bibliothèque spécialisée dans les éditions originales. Rares et inestimables, les pièces stockées sur les étagères ne sont évidemment pas accessibles aux gens ordinaires. Néanmoins, le Dr Winston Berber parvient à duper la vigilance de la jolie archiviste et à s’emparer de plusieurs précieux manuscrits. Scientifique fou, Berber a construit une machine qui lui permet de transposer dans le monde réel les créatures peuplant les œuvres littéraires. Avec leur aide, il compte bien s’installer comme maître du monde. Cependant, en raison d’une malheureuse circonstance, le compte Dracula, la créature de Frankenstein, la momie et le loup-garou se voient affligés d’une carrure bien différente de celle initialement attribuée par leur auteur respectif. Un handicap de taille qui ne les enchante guère…
La recette du succès selon Full Moon
Charles Band est le fils d’Albert Band, producteur mythique de la série B. Charles a suivi la voie de son père en mettant en scène d’honnêtes films à petits budgets, tout en se spécialisant dans le fantastique et la science-fiction. Après avoir réalisé des fleurons tels que Future Cop (1984), il fonde Full Moon en 1988. Durant les décennies suivantes, la société de production n’aura de cesse d’inonder le marché de la vidéo de séries B fauchées mais souvent surprenantes. Telles que Hideous (1997), Le Cerveau de la famille (1996), La Maison du docteur Moreau (2004) ou encore The Gingerdead Man (2005). Avec le recul, si Charles Band n’inspire probablement pas les thésards du 7e art, le bonhomme est sans aucun contexte l’un des artisans les plus touchants du cinéma fantastique.
Et The Creeps s’inscrit parfaitement dans la routine du studio, utilisant à merveille les ingrédients qui ont participé à son succès. Une héroïne agréable, sympathique et sexy. Un héros stupide mais amusant. Un méchant excentrique et ridicule… Le tout délivré avec une interprétation adaptée, c’est-à-dire s’inscrivant sans réserve dans un second degré de bon ton. Au point que, parfois, les protagonistes ne sont pas loin de faire des clins d’œil complices au spectateur qui se voit alors inclus comme protagoniste dans l’aventure.
Un parti pris risqué car les dialogues pétris des références de niche, s’adressent clairement aux plus passionnés d’entre nous. Ainsi, le héros, incarné par Justin Lauer, est détective privé à ses heures perdues, mais surtout propriétaire d’une vidéothèque et fan de films noirs. Lorsqu’il parle au téléphone avec ses clients, ils vantent les mérites des versions pirates, uncut et letterboxed de Vampyros Lesbos (1971) ou de Amazonia: La jungle blanche (1984)… Plus tard, il offre à Anna une édition originale de… La Vénus à la fourrure de Sacher-Masoch. À l’occasion, il révèle qu’il a vu toutes les transpositions cinématographiques. Y compris le film de Jess Franco… Se reprenant, il précise qu’il ne s’agit pas vraiment d’une adaptation en fin de compte…
Des private jokes amusants, mais qui ne sont clairement pas destinés au commun des cinéphiles…
Politiquement pas correct mais respect pour tous
Pour brosser un peu plus encore le passionné de séries B, The Creeps sait aussi se montrer subversif. En particulier lorsqu’il se met à « salir » un peu la littérature classique, dite sérieuse. Ainsi, lorsque la directrice de la bibliothèque décide d’avoir une relation sexuelle avec la première édition de Jane Eyre, c’est un peu comme si Charles Band faisait entrer l’oeuvre de Charlotte Brontë dans la sexploitation…
L’aspect parodique de The Creeps se voit ainsi teinté d’humour politiquement incorrect. Sur ce point, l’élément le plus marquant s’avère évidemment la taille adjugée aux monstres imaginaires transposés dans le monde réel.
En format réduit, le vaniteux Dracula se trouve la cible de moqueries. Le scientifique à l’origine de son trouble n’a pas de solution à lui proposer. Cependant, il lui suggère de monter sur un escabeau… Chaque fois qu’il souhaite sucer le sang au cou de jeunes vierges. Un ton sarcastique qui n’est évidemment pas au goût du comte réputé pour son arrogance.
Le script de Neal Marshall Stevens s’avère convaincant sur tous les points. Certes, la trame, absurde, ne paie pas de mine en se déroulant dans un ensemble de décors limités. Néanmoins, le scénario, composé par ce collaborateur régulier de Charles Band, offre suffisamment de matière pour largement divertir tout au long des 74 minutes que dure le film. Le seul regret que l’on pourra éventuellement formuler après avoir vu The Creeps ne concerne même pas le film. Mais plus spécifiquement la pétillante Rhonda Griffin, qui a si peu œuvré au cinéma. Une raison suffisante pour se dégoter Hideous!, également signé Charles Band, et dans lequel l’actrice tient à nouveau le rôle principal.