Le Goût du sang ? Fadasse !
La réalisatrice allemande Katja von Garnier met en scène Le Goût du sang après deux importants succès surprises, autant publics que critiques outre-Rhin : Bandits (1997) et Secrets de filles (1993). Des films portant haut et fort un message féministe et qui laissent supposer un auteur engagé. Mais c’était sans compter Hollywood, dont l’aura dépasse les frontières et se révèle si puissante qu’elle aseptise même des films non américains…
Bien qu’européen à 75 %, Le Goût du sang s’avère effectivement un produit qui ressemble à s’y méprendre à une émanation américanisée et standardisée. À l’image de ce protagoniste féminin attendant patiemment que le prince charmant veuille bien venir la sauver… Il n’aura donc fallu qu’un seul film pour que Katja von Garnier nous fasse douter de ses valeurs féministes…
Depuis la mort de ses parents, Vivian vit à Bucarest avec sa tante Astrid. Elles ont rejoint la meute de loups-garous qui sévit dans la capitale roumaine et sur laquelle Gabriel règne en maître absolu. Là, Vivian rencontre le jeune artiste américain Aiden, peintre passionné par les lycanthropes. Heureuse coïncidence car, Aiden, doux, affectueux et poète, ne laisse pas insensible Vivian la romantique. Mais voilà, Gabriel a déjà prévu de faire de Vivian la mère de ses futurs louveteaux…
Katja von Garnier hérite d’un scénario bateau mais nanti de quelques points intéressants. Malheureusement, la réalisatrice préfère la facilité. Ainsi, le choix que doit faire Vivian n’en est pas vraiment un. Le film, dont le titre original se traduit par Sang et Chocolat, enjoint la jeune femme à choisir entre deux lignées. Soit celle, fantastique et sauvage, que propose Gabriel (le sang). Soit celle du plaisir, confortable, incarnée par Aidan (le chocolat). Autrement dit, Vivian doit se décider entre la tradition et la frivolité. Or, Gabriel est un personnage si détestable qu’il ne peut, à aucun moment, représenter une solution envisageable. Dès lors, c’est sans regret et surtout sans une once de réflexion que Vivian embrasse la superficialité personnifiée par Aidan.
D’ailleurs, les différences entre le film destiné aux fillettes fleur bleue et le roman à destination des jeunes adultes se sont avérées suffisamment importantes pour avoir agacé les fans de la saga d’origine.
Pareillement, le film ne se prend même pas la tête à essayer de donner des explications sur l’origine des loups-garous.
Or, l’auteur Annette Curtis Klause s’efforce, pour sa part, d’offrir toute une mythologie… En feuilletant les pages du roman, on découvre par exemple que les créatures sont issues d’une espèce à part, capables de se transformer en loup à volonté. L’origine de ces hybrides remonte à la Préhistoire. À cette époque, les lycanthropes étaient de simples canidés. Mais, après avoir absorbé une matière issue d’une météorite, ils héritent de la capacité de se métamorphoser en humains. D’autres disent que Gabriel et les siens sont en réalité les descendants d’anciens chasseurs humains bénis par la déesse de la lune, Séléné. Quoi qu’il en soit, ils composent désormais une espèce fière de sa double nature mais se cachant des êtres humains dont ils craignent la réaction si ces derniers devaient découvrir leur existence.
Dénué de ces éléments qui fondent évidemment la richesse du livre, Le Goût du sang version 7e art fait peine à voir. Le métrage n’arrive même pas à la cheville d’un Twilight qui, un an plus tard, se révélera bien plus à même de combler les attentes d’un jeune public avide de romance surnaturelle.
D’ailleurs, en lieu et place des charismatiques Robert Pattinson et Kristen Stewart, nous héritons de Hugh Dancy et Agnes Bruckner…
Le premier est un comédien habitué aux séries télévisées. Son principal fait d’armes est d’avoir tout de même réussi à tenir tête au charismatique Mads Mikkelsen au cours des trois saisons de Hannibal (2013-2015). Un exploit lorsque l’on sait que son personnage fait office de pleurnichard… Hugh Dancy demeure probablement un acteur sous-coté. Ici, il joue néanmoins un personnage peu crédible, d’une vingtaine d’années. Mais déjà artiste en fuite, car traqué par un papa sévère.
Agnes Bruckner, pour sa part, n’aura pas forcément fait les meilleurs choix lors de sa carrière remplie de série B vite oubliées. Mais son visage reste familier. Principalement parce qu’elle a tant œuvré qu’on l’a forcément croisée au détour… D’un Kill Theory (2009), réalisé dans la foulée des Cube et autre Saw. Ou alors du policier Haven – L’enfer au paradis (2004), dans lequel elle partage l’affiche avec le regretté Bill Paxton. Ce qui est certain, c’est que vous ne l’avez pas ratée dans le The Woods (2006) signé Lucky McKee.
Ceci étant dit, le scénario du Goût du sang suit les étapes d’usage sans temps mort. Presque de manière divertissante, mais également aseptisée. Ainsi, comme les loups-garous ne subissent aucune malédiction, ils évitent dans le même temps les transformations peu ragoûtantes et douloureuses. Cela permet de faire des économies sur les effets spéciaux numériques, parfaitement adaptés pour régler le problème épineux des vêtements. En effet, la question se voit ici réglée en deux coups de cuillères à pot : Chemises et maillots de corps, robes et jupes, culottes et chaussettes disparaissent comme par enchantement lors de la transformation… Et sont restitués sans accroc à leurs propriétaires grâce au même tour de passe-passe lors du retour à la forme humaine.
Quant aux loups-garous, une fois leur mutation accomplie, ils apparaissent comme de banals loups… Soit une déception de plus à mettre au déficit du film.
Seul élément notable, l’effet de l’argent sur les lycanthropes. Le métal agit ici comme un véritable poison. Il reviendra alors à Vivian, contaminée, de trouver un antidote avec l’aide d’Aidan. Une fois la finalité de l’antidote détournée, le stratagème sera utilisé de manière originale pour venir à bout des autres créatures. Une manœuvre qui représente bien la seule originalité du produit.