Cauchemar à louer – Au secours, mes parents veulent me dévorer !

Quand Serge Brussolo, auteur de Cauchemar à louer, tient une idée, il l’exploite sous tous les angles. Ainsi, lors de la conception d’un roman, l’auteur bombarde son concept de questions afin de révéler toutes les implications possibles : politiques, culturelles, sociologiques, religieuses, etc. Pour le lecteur, c’est la garantie de découvrir une histoire riche, mais également exubérante puisque le roman tire toutes les possibilités de son idée de départ.

C’est d’autant plus vrai que les sujets à la base des récits de Serge Brussolo s’avèrent souvent farfelus ou grotesques. Ainsi, dès ses premiers écrits dans les années 70, l’auteur se distingue en mettant un point d’honneur à ce que ses histoires proposent du jamais-vu et surprennent le lecteur habitué, à l’époque, à des intrigues classiques qui avaient franchement fait leur temps. Au final, les livres de Serge Brussolo se révèlent toujours surprenants, les lecteurs de la série Anticipation chez Fleuve Noir ne diront pas le contraire…

Dans Cauchemar à louer, la patte Brussolo se traduit par l’idée insensée que les parents de David, douze ans, se transforment lentement en loup-garou. Le mot n’est jamais cité dans le roman, mais c’est bien l’apparence qu’ils endossent lorsqu’ils vont et viennent au clair de lune.

Le roman s’intéresse alors aux réflexions de David qui voit son univers familial s’effondrer. Pire, ceux qui sont censés lui assurer protection et sécurité menacent désormais son existence même. Dans ce contexte angoissant, quelle attitude adopter ? Le garçon doit-il éliminer ses parents ? Le peut-il seulement ? Des questions existentielles pour le gamin, mais pas seulement, puisque père et mère représentent aussi un péril pour les autochtones. Habitués, depuis toujours, à subir les attaques meurtrières de ces étrangers installés dans la petite maison sur la colline sous influence de son environnement fantastique, les villageois sont préparés et disposent de quoi se barricader. Mais, plus David tergiversera, plus les monstres deviendront forts et, à un moment, les barricades ne pourront plus freiner les assauts des monstres.

Serge Brussolo s’attarde longuement sur les atermoiements de David. Possible, dès lors, que le livre puisse sembler quelque peu stagner à mi-parcours. Par ailleurs, en insistant aussi longtemps sur David qui tergiverse, l’histoire délaisse également quelque peu les habitants du village dont la psychologie paraît un peu trop superficielle et surtout sans nuances, manichéenne.

Dès lors, Cauchemar à louer conserve un ton très désespéré, dérangeant même, puisque le sujet principal reste celui de parents souhaitant dévorer leur enfant. Serge Brussolo n’y va pas avec le dos de la cuillère et certaines séquences font froid dans le dos. Comme lorsque David, qui a trouvé refuge dans un coffre-fort niché dans les murs de la maison, entend papa et maman roder dans les couloirs avec, comme seule idée en tête, celle de réduire leur fils en charpie. L’ambiance s’avère en outre parfois malaisante puisque les géniteurs de David ne s’encombrent plus des convenances, y compris durant la journée, se plaisant alors à se balader entièrement nus et même à copuler quand l’envie leur prend.

Quoi qu’il en soit, habitants du village, David et ses parents, tous subissent finalement, et bien malgré eux, une malédiction ancestrale dont l’origine permet à Serge Brussolo d’apporter un sang réellement neuf à la thématique du loup-garou, tout en conservant, pourtant, l’un de ses éléments les plus éculés, le dilemme de punir un innocent.