Une variante du mythe du loup-garou dans les Voies d’Anubis de Tim Powers
Avec Les Voies d’Anubis, Tim Powers propose une variante originale du mythe du loup-garou, ce qui est diablement intéressant, même s’il ne s’agit que d’une intrigue secondaire. Les Voies d’Anubis de Tim Powers s’avère un confus mélange de sorcellerie égyptienne, de portes qui permettent de voyager dans le temps, d’un héros universitaire spécialiste de poètes anglais du début du 19e siècle et de pérégrinations incroyables et variées dans le temps et l’espace. L’une des forces du roman réside dans la peinture particulièrement intéressante et très vivante de la vie à Londres en 1810.
Avertissement : il s’agit dans cet article de parler d’une variante du mythe du loup-garou, il faut donc savoir que le mystère ne sera pas préservé.
Si l’histoire peut sembler surprenante, le héros spécialiste d’un poète anglais chargé d’accompagner un riche groupe d’admirateurs contemporains dans un voyage dans le temps pour rencontrer le fameux poète, la forme se révèle plus confuse. Les portes sont parcourues par d’antiques sorciers égyptiens, des hommes du 20e siècle se promènent d’époque en époque, les motivations des uns et des autres restent parfois bien obscures.
Néanmoins, au milieu de cette histoire un peu poussive, l’auteur réserve au lecteur une très jolie surprise : une intéressante version de Loup-garou de Londres !
Tim Powers ne se lance pas dans un mythe du loup-garou revisité. En effet, l’affaire ressemble plutôt à un détail au milieu des péripéties des protagonistes, cependant l’idée est séduisante et vaut largement le détour.
Dans la ville de Londres, sombre et miséreuse du début du 19e siècle, notre héros entend parler d’un monstre qui hante les rues et terrifie les habitants. Le tueur est surnommé Joe Face de chien car son visage, son torse, ses mains, tout son corps sont recouverts d’une dense toison de longs poils. L’auteur reste assez confus sur l’origine de la créature et sur la « chasse » que les Londoniens mènent pour l’empêcher de nuire. En effet, il est tué mais revient, disparaît et est retrouvé, tous ces allers retours ne semblent surprendre personne et laissent le lecteur un peu embrouillé. Cependant, l’essentiel réside dans les caractéristiques de Joe Face de chien. Il s’agit en réalité d’un ancien sorcier égyptien déchu. Il avait un maître : Le Dieu Anubis de l’Egypte antique, gardien des nécropoles et protecteur des embaumeurs. Par incompétence, notre sorcier a été puni par le dieu à tête de chacal. Sa malédiction ? Son corps est condamné à se couvrir, progressivement mais inexorablement, de poils hirsutes. Nous voici donc avec un monstre velu en liberté dans une ville ultra-urbanisée et densément peuplée. Cependant, l’affaire ne s’arrête pas là. Nullement à court d’ingéniosité et de savoir-faire, notre sorcier a été capable de créer une potion qui lui permet de quitter son corps et d’entrer dans celui de la personne à laquelle il aura précédemment fait boire le breuvage. La conscience de sa nouvelle victime intègre alors le corps que Joe Face de Chien laisse derrière lui pendant que lui-même prend possession du corps convoité.
Au milieu de cet imbroglio fantastique s’invite un élément sanglant et dramatique ingénieux : pour éviter que l’âme chassée ne puisse révéler le subterfuge à quiconque, Joe Face de chien se mange lui-même la langue avant d’opérer le changement. Le malheureux dépossédé se retrouve alors, déboussolé et terrifié, dans un corps qui n’est pas le sien, couvert de poils, la bouche pleine de sang et vide de langue. Traumatisée et incapable de parler, la première réaction de sa victime, hystérique et folle de douleur, est de se précipiter chez elle. Devant une créature gesticulant en tous sens et grognant comme une bête immonde, les gens la tuent sans coup férir. Mais, croyant avoir affaire à quelque créature démoniaque, ils ont en réalité abattu leur parent, muet prisonnier du corps d’une autre victime.
Cette drôlerie n’est qu’une digression annexe de l’intrigue principale et ne fait donc pas l’objet d’un développement poussé dans Les Voies d’Anubis. Cependant, l’idée est très intéressante et mérite ainsi quelques lignes dans L’Écran Méchant Loup.
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Titre original : The Anubis Gates (1983)
Auteur : Tim Powers
Editeur France : Bragelonne (2013)
n° ISBN : 978-2-35294-636-6
Traducteur : Gérard Lebec
Illustrateur : Didier Graffet