Bloodthirsty, double lecture
Bloodthirsty est-il un film d’horreur ou plutôt un drame psychologique interpellant sur la pression subie par les jeunes artistes dans le monde de la musique ?
Grey est tourmentée par des hallucinations et des cauchemars dans lesquels elle dévore des animaux sauvages qu’elle éviscère de ses mains. Son médecin, le Dr Swan (interprété par Michael Ironside que l’on ne voit quelques secondes à l’écran), ne parvient pas à trouver des explications à son trouble… Peut-être que Grey subit mal la pression du succès ? En effet, elle est auteur, compositeur et interprète, et sur le devant de la scène depuis le succès de son premier album. Or, il s’agit maintenant pour elle de transformer l’essai avec un second disque attendu au tournant par ses fans et le monde de la musique. Elle est alors contactée par le producteur Vaughn Daniels qui lui propose son aide. Ancien chanteur de boys band, il a été accusé d’un meurtre avant d’être acquitté… Pour la gloire et la richesse, Grey accepte malgré tout de s’associer au producteur suspect. Ainsi, elle se rend avec sa petite amie artiste peintre Charlie au cœur de la forêt canadienne, dans la demeure isolée du producteur de musique, afin de travailler sur son nouvel album, croit-elle…
There’s No Business Like Show Business
Bloodthirsty affiche ses connivences avec le cinéma d’horreur. Ainsi, le lièvre écrasé, la sinistre gouvernante, la maison isolée et les rêves sanglants sont autant de mauvais présages qui auraient dû mettre la puce à l’oreille de la chanteuse et de son amie. Même la pancarte brandie par une auto-stoppeuse indique la direction East Proctor, clin d’oeil au village imaginaire où se trouve la célèbre auberge du Loup-Garou de Londres.
Mais Grey et son amie ne voient pas le danger venir. Comme le petit chaperon rouge, elles sont séduites par le mystérieux Vaughn. Exigeant, celui-ci oblige Grey à se faire violence en travaillant jours et nuits. Elle finit même par arrêter de prendre ses médicaments, se mettre à l’absinthe et manger de la viande. Et en effet, Grey parvient à se surpasser dans son art, au grand dam de Charlie…
Drame psychologique aussi confus que la psyché du protagoniste principal
Si les différents stéréotypes semblent indiquer que l’on est en présence d’un film d’horreur, dans les faits, les caractéristiques du genre se retrouvent finalement reléguées au second plan. On n’est même pas étonné de l’absence, ou presque, d’effets spéciaux. D’ailleurs, les maquillages grossiers trahissent un budget étriqué… Les mauvaises langues diront peut-être aussi l’intérêt des auteurs pour le genre.
En effet, l’horreur n’est ici qu’un prétexte. Celui pour la canadienne Lowell Boland, à l’origine du scénario, de présenter sa musique, mais aussi la pression qui pèse sur les artistes en devenir dans l’industrie musicale. Elle sait de quoi elle parle puisqu’elle a elle-même vécu des débuts difficiles (L’actrice principale Lauren Beatty et Lowell Boland entretiennent d’ailleurs une ressemblance physique qui n’est sans doute pas une coïncidence).
Malheureusement, on ne comprend pas vraiment la source du problème psychologique de Grey. Les contrastes sont évidents (amour saphique délicat contre virilité masculine, impasse contradictoire entre l’envie d’être végétalien et le besoin de l’assouvissement de son instinct animal, en particulier dans un milieu de prédation comme celui de la musique…), mais ils sont traités avec trop de demi-mesures pour attiser la curiosité du spectateur et susciter la réflexion.
Frissons garantis
Cependant, avec des titres comme I Love you to death ou God’s is a fascist, nul doute que les chansons désespérées de Lowell qui a écrit les textes et prêté sa voix, traduisent parfaitement l’humeur psychologique de Grey. Bloodthirsty accorde effectivement une grande attention à la musique. Les murmures mélancoliques de Lowell accompagnés au piano sont les seuls frissons que l’on ressent. Certes, mais ils sont agréables et s’intègrent parfaitement dans le décor sombre de la maison de Vaugh.
Canada – 2020 – Réalisation : Amelia Moses – Distribution : Lauren Beatty, Greg Bryk, Katharine King So, Judith Buchan, Michael Ironside, Jesse Gervais, Jayce McKenzie…
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