Orgie Macabre et ribambelle de jolies demoiselles
À partir de quel moment un vidéogramme peut-il être qualifié d’oeuvre cinématographique ? Réponse avec Orgie Macabre, en partie signée par l’homme d’affaires Ed Wood…
Si la présence d’un scénario est indispensable pour faire partie du Septième Art, alors Orgie Macabre relève effectivement le défi, même si c’est tout juste… Un couple roule de nuit dans le désert. Un accident plus tard, les voilà aux portes de l’Enfer où ils doivent subir, jusqu’au petit matin, les danses de jeunes dames à moitié nues.
Pourquoi diable se prendre la tête avec une histoire ?
Après avoir avalé deux ou trois chorégraphies, le cinéphile réalise, avec effroi, qu’Orgie Macabre n’a pas d’autre ambition que de remplir de la pellicule avec des danses plus ou moins lascives. La prise de conscience peut angoisser car le métrage dure tout de même 90 minutes. Mais, et c’est surprenant, l’inquiétude disparaît et l’on se fait finalement assez bien à l’idée étrange de devoir tuer les 90 prochaines minutes à mater des filles au look suranné se dandiner sans pudeur.
Quoi qu’il en soit, s’il s’agit là de l’idée de l’Enfer que se fait le scénariste, avouons qu’on a connu pire comme supplice. Il est fort à parier que de nombreux libidineux n’hésiteraient pas à signer dans l’instant le laissez-passer si les limbes devaient s’avérer un tel délice…
D’autant plus que les demoiselles sont toutes exquises et belles à croquer… Tout droit sorties des années 60, elles arborent des coiffures permanentées et se déhanchent canaillement sur des musiques démodées au gré de mises en scène fantaisistes…
Danser jusqu’à en mourir
Une fois c’est une squaw qui se tortille autour d’un feu de camp, une autre fois c’est une esclave qui dévoile ses courbes en se dandinant au rythme d’une flagellation endiablée… C’est vrai, il n’y a qu’un seul décor. Et le budget effets spéciaux n’a pas permis d’élaborer autre chose qu’une brume évoluant régulièrement devant l’écran. Mais, le cadre est plutôt joli avec des lumières rouges, bleues et vertes attrayantes.
Bien sûr, de nos jours, les danses de nos dévergondées d’un autre temps sont passées de mode. Les mauvais coucheurs diront même ringardes. Les mêmes se pâment devant les danses filmées par George Méliès en saluant le génie du grand-père de la SF… Mais bon, passons…
D’autres concéderont que le ballet proposé est agréablement kitsch, évoquant les films de nudisme des années 50 et 60. En tout cas, c’est un érotisme qui peut faire son effet, si l’on est bon public.
Plastique d’un autre temps
Notre couple de héros n’est pas seul à assister au spectacle gracieux de ces jeunes femmes peu avares de leur nudité… Quatre autres personnages suivent ce french cancan des limbes… Criswell, grand medium devant l’Éternel, s’impose comme maître de cérémonie. Dans la vraie vie, il avait prédit que le président Kennedy ne se représenterait pas aux élections de 1964 (mais aussi que la fin du monde se produirait aux alentours d’août 1999). Le médium est ici tout à faire risible, en particulier lorsqu’il lit ses lignes de dialogue à l’aide d’un prompteur comme l’atteste le va-et-vient de ses yeux.
À ses côtés, la brune Fawn Silver, alias Ghoulita, est une créature renversante. Elle ne se dénude pas d’un poil, faisant ainsi ressentir aux érotomanes, au plus profond de leur chair, la signification véritable du mot “frustration”. Quelle tristesse. Néanmoins, le sex-symbol a bon goût puisqu’elle en pince sérieusement pour la rouquine Pat Barrington. Pourtant, Patou est franchement effroyable lorsqu’elle tente de concurrencer Fay Wray sur le terrain des scream queens… Sa tentative lamentable de hurlement apeuré vaut cependant son pesant de cacahuètes quand on a de l’humour.
“Quand j’étais en vie, c’était un cauchemar”
L’humour n’est d’ailleurs pas en reste grâce à la présence de deux véritables bout-en-train : La momie et le loup-garou. Tous les deux contemplent les demoiselles et se hasardent à faire des commentaires qui se veulent drôles… La plupart du temps, la chute s’avère plus obscure que renversante.
En fin de compte, les moments prêtant à rire sont tout sauf rares dans Orgie Macabre. Ces dérapages, en revanche, ne sont pas voulus.
L’aventure n’est pas désagréable pour autant. Le film est même attachant. Mais Orgie Macabre est bien, malgré tout, une entreprise affligeante. Nul autre que le fameux Ed Wood est responsable de cette œuvre consternante. C’est difficile à concevoir, mais il en a écrit le scénario… d’après son roman. Tâche pour laquelle il a touché la rondelette somme de 600 $… Ça laisse songeur… Quoi qu’il en soit, un sacré margoulin. Réputé pour avoir réalisé le plus mauvais de film de l’Histoire du Septième Art : Plan 9 from Outer Space… Mais ceux qui l’affirment n’ont peut-être pas vu Orgie Macabre.
Orgy of the Dead – USA – 1965 ; réalisation : Stephen C. Apostolof, interprères : Criswell, Fawn Silver, Pat Barrington, William Bates, Mickey Jines, Barbara Nordin…